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dimanche 22 décembre 2013

...schizophrène...

Déjà faut poser les bases en balançant la définition médicale.
La schizophrénie est une psychose grave survenant chez l'adulte jeune, habituellement chronique, cliniquement caractérisée par des signes de dissociation mentale, de discordance affective et d'activité délirante incohérente, entraînant généralement une rupture de contact avec le monde extérieur et parfois un repli autistique.
Bien sûr on est loin, mes autres et moi, d'en être là. On tourne surtout autour de la partie "signes de dissociation mentale", ce qui est déjà pas si mal. 

Pour ceux et celles qui ne voient qu'une facette, aucun problème. Ils ne connaissent qu'une seule Isa, en ont fait le tour, sont juste un peu surpris parfois quand ils se confrontent à une autre partie d'elle, mais finissent par la retrouver telle qu'ils l'ont toujours connue et tout roule bien comme ça.

Là où ça devient plus délicat, c'est que certaines personnes font partie de plusieurs de nos mondes, voire de tous. Du coup, ils sont tour à tour en présence d'une personnalité, puis d'une autre, d'une troisième encore différente et ils ne savent plus où donner de la tête, ça tourne dans tous les sens et ça change de fréquence en une fraction de seconde. Il leur faut faire preuve d'une adaptabilité sans bornes, presque surhumaine, pour parvenir à suivre les variations et les virages, et je peux comprendre que ça peut vite filer le mal de mer pour qui ne sait pas trop gérer les changements de cap inopinés.

Parce que, tu vois, y a plusieurs moi. Qui n'ont pas grand chose à voir les unes avec les autres. Par habitude, par réactivité extrême, par réflexe même, je passe de l'une à l'autre sans trop me poser de questions, sans avoir vraiment besoin de le préméditer. Ça coule naturellement.

Le personnage "public" se décline en deux parties.
D'un côté, la blogueuse qui a trouvé son style et sa ligne éditoriale et qui se sent bien dans le registre mélancolico-dramatico-maniaco-dépressif. Tout est noir, sombre, il pleut tout le temps, le soleil ne perce pas donc la lumière ne filtre pas, ça balance des "putain" et des "merde" et ça ne fait pas attention à comment sont réceptionnés les mots de l'autre côté, parce qu'ils ne demandent qu'à sortir et que là est la priorité. Elle ne parle que de la crasse, des saloperies, elle puise en elle une anecdote destructrice et ajoute plein de mots autour, elle romance un peu, elle ne nuance pas, elle lâche les phrases à un rythme endiablé, en apnée, et ne respire que quand elle clique sur "publier". Immédiatement après, elle disparaît. Cette nana-là n'existe que dans les moments où elle est face à son éditeur de texte, et toi qui prends tous ses mots au tout premier degré sache que tu te trompes de combat.
De l'autre côté, la twitta qui a appris et intégré les codes de la Twittosphère tant bien que mal et qui envoie ce qui est attendu d'elle, plus ou moins. Elle récupère les tournures de phrases, les "avec toi ?" et les "REPASA", elle les utilise comme tout le monde, tout est trop "une fête commerciale" et elle rentre parfaitement dans le cadre. La fille qui tweete à l'intérieur de moi est tout le temps là, en continu, en trame de fond, elle verra dans chaque petit événement de sa vie IRL une façon de le décliner en 140 caractères. Mais là encore, le public est précis, ciblé, il s'attend à certaines choses alors elle ne donne pratiquement que ça. Tu ne parles pas sur Twitter comme tu es exactement dans la vie réelle, c'est un jeu où ton personnage virtuel est largement inspiré de toi mais fortement limité par les usages, complètement crypté par les codes, totalement coincé par la déontologie twittesque.

A côté de tout ça, partout autour, dedans, dessus, dessous, y a le vrai moi. Celle qui n'est pas un "personnage" privé mais bel et bien l'être humain, la chair, les os, bon la chair surtout ok, les yeux qui regardent, les mains qui touchent, le corps qui se déplace. Celle qui hésitera toujours avant de dire les choses, parce qu'elle a peur des réactions que cela va provoquer, en elle et autour d'elle, celle qui vibre vraiment, qui sent des douleurs physiques, qui aime follement d'amour, qui donne tout ce qu'elle peut donner sans s'éteindre complètement, qui essaie de prendre soin de ceux qui comptent, qui négligent ceux qui font le mal. Celle qui sera toujours dans le doute de tout, de l'amour qu'elle inspire, de l'intérêt qu'on lui porte, de la valeur qu'elle a, de ce qu'elle provoque chez l'autre. Celle qui essaiera de faire attention à bien choisir ses mots, parce qu'elle sait qu'ils blessent quand ils sont trop coupants, parce qu'elle n'aime pas faire mal, parce qu'elle préfère souffrir un peu plutôt que de se soulager au détriment de l'autre en face. 
Et elle, elle s'en fout d'emmagasiner certaines frustrations ou certaines colères qu'elle ne pourra pas exprimer, parce qu'elle a ses identités virtuelles pour l'aider à évacuer tout ça. La boucle est bouclée, tu vois.

Toi qui me côtoies dans tous ces univers, qui me lis ici ou ailleurs et qui me sais aussi en vrai, ne laisse pas s'installer entre nous la barrière de l'incompréhension, ne laisse pas grandir en toi la colère de me voir t'aimer en privé puis te descendre en public, s'il est un service que je voudrais te demander, c'est bien celui-là : lis entre les lignes, demande toi laquelle des Isa écrit les mots qui te font si mal, et comprends à ce moment-là que ce n'est pas celle qui t'aime mais celle qui se doit de tourner en ridicule pour un public qui n'est pas toi, qui ne te connait pas, qui ne te jugera pas. Si tu doutes, demande moi, parce que plutôt faire crever une de mes identités que de prendre le risque qu'elle te fasse souffrir à tes dépens et aux miens.

La vraie Isa, c'est celle que tu as tous les jours en face de toi. Ne doute jamais, jamais, jamais de ça.

© Isa – décembre 2013

1 commentaire:

Ça te parle ? Ça te plait ? [Ou pas, d'ailleurs ;-)]
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