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samedi 21 décembre 2013

...en phase up...

On entre dans la phase haute du phénomène autrement appelé "maladie" par les professionnels de la santé. Dans la phase euphorique. A la lecture de ces premiers mots tu te dis que c'est une bonne nouvelle, qu'elle laisse tomber la mélancolie et que c'est plutôt chouette.

Détrompe-toi.

L'euphorie pour elle n'est pas saine. L'euphorie est synonyme de surtension et source de surexcitation mentale. 

Concrètement, ça marche comment ? Concrètement, tous ses sens sont en alerte. Pas grand chose ne lui échappe. Elle sent les odeurs, voit les couleurs, teste les saveurs à la vitesse lumière et comme une junkie n'arrivant pas à se contenter de sa dernière dose, elle en redemande juste après. Elle provoque l'action, encore, toujours, ne supporte pas l'ennui et le calme de la routine. Elle a besoin d'être en mouvement, en contact, au diapason de ceux qui l'entourent pour absorber en plus des siennes, leurs émotions à eux. Elle veut tes mots, ta présence, tes tripes qui se retournent, elle s'en nourrit quand son dedans à elle ne suffit plus, ce qui lui permet de toujours continuer à ressentir, à vibrer. Elle vit ta vie dans sa tête, par procuration, elle t'imagine faire ce que tu lui dis être en train de faire, sentir ce que tu lui dis être en train de sentir, et ça ne s'arrête jamais puisqu'elle passe de toi à un autre sans aucun temps d'adaptation, sans aucun sas de décompression, elle est complètement perméable à tous ceux qui croisent sa route et bouffe sans vergogne tout ce qu'ils ont à donner, aspirent leurs émotions et les fait siennes.
Elle ne dort plus, ou peu, et mal, et en décalage, parce que dormir c'est perdre du temps, c'est être seule loin de toi, c'est avoir les yeux clos sur le monde. Parce que dormir c'est pour les faibles et les lâches qui n'ont rien à vivre, rien à engranger. Parce que dormir c'est rêver et que les réveils loin de ces rêves sont douloureux. Elle mange comme une adolescente, boit comme une étudiante, fume à s'en encrasser les poumons et à s'en brûler la gorge. Elle n'a plus de rythme, plus de demie-mesure, elle est dans l'extrême sensibilité de tout ce qui l'entoure et fatalement dans l'extrême urgence de vivre des choses qui vont bousculer cette hyper-émotivité, la provoquer, l'exacerber. Elle est dans la conscience parfaite de son corps, de ce qui se passe sous sa peau, de ce que veulent dire les frissons qui la parcourent et de ce que lui inspire la délicieuse torture de la douleur qui se cramponne à son bas-ventre. Elle est dans le beaucoup, dans le trop, dans ce qui dépasse les limites du raisonnable, du politiquement correct, du socialement acceptable. Elle est dans l'outrance et elle se shoote à ça.

Pour toi, qu'est-ce que ça change ? Pas grand chose, réellement. Toi tu ne vois que ses sourires multipliés, ses mots qu'elle partage un tantinet plus qu'habituellement, et tu aimes qu'elle soit aussi ouverte, aussi offerte, quand elle sourit t'adores ça, tu te dis que c'est toi qui provoques cette émotion là et ça te plaît. Toi tu ne te rends pas compte que ce que tu peux dire et faire n'a que peu d'importance, que tout se passe chimiquement entre son cerveau et l'image qu'elle te renvoie, que tu n'es maître de rien et que ses hormones décident de tout, que tu auras beau tenter de donner une direction à votre échange, elle ira en sens inverse si elle en décide ainsi, elle n'est plus en capacité de s'adapter à ce que tu veux, elle est déjà loin, là où son imagination à elle l'emmène, là où seules ses émotions comptent. Pas parce qu'elle se fout de toi, mais juste parce qu'elle n'est plus contrôlée que par ça.

Mais tout va bien parce que tu ne le vois pas, elle n'a plus le contrôle de grand chose mais elle maîtrise au moins ce qu'elle montre devant toi, elle te paraîtra douce quand tu auras besoin de douceur, même quand la rage infusera dans ses veines, elle te paraîtra aimante quand tu auras besoin d'amour, même quand le monde lui inspirera de la haine, elle te paraîtra sereine quand tu lui avoueras aimer la voir apaisée, même quand tout bouillonnera dans son dedans. 

Là maintenant qu'elle te dévoile cette mascarade, tu te dis sûrement qu'elle te ment et tu t'en offusques peut-être un peu et tu auras tendance à lui en vouloir. 
Rassure-toi, c'est dans ces phases là qu'au contraire elle est au plus près de ce qu'il y a de vrai en elle, qu'elle est au contact de son naturel. Elle aura tendance à te montrer d'elle ce que tu auras envie d'en voir, mais ce n'est pas pour te tromper, plutôt pour te rassurer.
A elle ensuite de gérer l'amoncellement de sentiments contradictoires qui luttent au fond de son bide, ses envies, l'absence de doute, son excitation permanente. Quoi que tu fasses elle est la seule à pouvoir batailler contre tout ça, c'est son combat, c'est sa croix. 

Bien sûr tu peux aider un peu, et c'est pas bien compliqué d'ailleurs. Soit t'en as rien à foutre et surtout tu ne lui fais pas croire le contraire, jamais, nulle part, sous aucun prétexte. Soit y a quelque chose en elle qui te fait l'aimer un peu, et tu le lui dis de temps en temps pour ne pas qu'elle oublie et aussi pour qu'elle ne s'empêche pas d'y croire. 

Il est là, ton choix à toi.


© Isa – décembre 2013

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