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samedi 28 décembre 2013

...en morceaux...

Morceau n° 1

Tout est cassé. On te dit de ne pas t'inquiéter, que ça viendra, que c'est sûrement pas encore le moment. On te conseille de te lancer, de jeter quelques mots pour voir comment ils rebondissent, de commencer par du n'importe quoi, ça fait parfois venir l'essentiel.
Mais toi t'entends pas trop ce qu'ils disent, ni leur foi dans ta capacité à sortir quelque chose, ni leurs encouragements. Toi tu t'inquiètes parce que putain y a que ça qui te fait vibrer, que ça qui pourrait soulager, et si même ça c'est cassé t'es pas près de te sortir du fond du trou dans lequel tu plonges doucement mais sûrement. 
Alors t'essayes, tu tapes quelques lettres et puis tu les effaces, tu t'emportes parce que ce qui vient c'est de la merde, puis tu recommences en te disant que tu vas garder ne serait-ce que pour toi, mais tu effaces de nouveau parce que ça n'a aucun sens quand tu ne partages pas.
Ta frustration est à son comble, t'es bien que quand tout ça sort de toi, quand tu trouves les mots, qu'ils glissent tout seuls, quand tu les jettes en pâture à qui veut les prendre et que derrière y a des réactions, du réconfort, ou du dédain qu'importe, mais quelque chose.
Là tu te sens comme un portefeuille vide, que les autres regardent avec mépris parce qu'ils aimeraient plutôt y voir quelque chose et qu'ils ne trouvent rien, que du coup ils jettent hors de leur vue parce que ça ne présente qu'un intérêt limité, voire aucun intérêt du tout d'ailleurs, tu ne sers à rien.

Morceau n° 2

Tu découvres une partie de ce monde virtuel que tu ne connaissais pas. Deux, en fait. 
La première elle est belle, elle est pleine de cet amour que tu attendais tellement, elle est dans les mots de celle qui est toujours là pour toi, enfin sauf peut-être quand elle est occupée à vivre sa vie que tu suis de si près, elle est dans les messages de cet autre que tu voudrais juste une fois regarder droit dans les yeux, pour qu'il voie un peu ce qu'il t'inspire, qu'il capte qu'on est loin de la pitié ou de la compassion mais tellement, tellement, dans la compréhension de tout ce qu'il balance quand il le fait de ses mots si justes. Cet amour-là auquel tu ne t'attendais pas, mais qui te vrille la tête et les intestins, qui te fait t'inquiéter de chaque silence, de chaque pause entre deux contacts, qui te fait redescendre en pression dès lors que leurs noms s'affichent sur l'écran de ton téléphone. Ces deux-là te donnent tellement, sans s'en rendre compte, sans vraiment toucher du doigt l'importance qu'ils ont maintenant, la place qu'ils occupent, et toute la gratitude qui t'envahit quand tu constates qu'ils acceptent que tu fasses partie de leurs mondes pourtant déjà bien chargés. S'ils te lisent et qu'ils se reconnaissent, t'espères bien fort qu'ils se reconnaîtront, t'aimerais bien que sans fausse modestie ils accepteront le rôle qu'ils jouent déjà malgré eux.
Et dans cette première découverte, il y a bien évidemment tous ces autres qui te comblent de leurs mots. Tu les gardes là, dans un coin de ta tête, tu ne les oublies pas, ils te sont tellement importants, eux aussi.
Et puis cette autre partie tellement plus laide, tellement moins alléchante, celle où les gens se font du mal, parce que Twitter c'est ça aussi, tu t'en rends compte aux dépens d'un copain parce que certains s'acharnent à l'intégrer dans des querelles futiles de gamins attardés. Suivre cette affaire de près t'a amenée à percevoir certaines réalités dont tu tenais soigneusement éloignée, tu déchantes un peu, tu cries à la désillusion. Pourtant t'es si bien placée pour savoir que le monde est moche Isa, tu l'as déjà expérimenté si souvent, qu'est-ce que tu croyais ? A quoi est-ce que tu t'attendais ? Peut-être rêvais-tu d'une bulle magique échappant aux lois de la société, d'un échappatoire face à la cruauté et à la méchanceté que tu as déjà tellement subies ? Ne rêve pas ma grande, ici ce n'est qu'un microcosme reproduisant à l'identique toutes les couleurs que tu peux voir IRL, y a du bleu et du rose mais ouvre les yeux bordel y a du noir aussi. T'as pas envie de le voir mais il est là, partout, il s'insinue entre les couleurs de l'arc-en-ciel que tu voyais jusque là, et c'est ça la réalité tu sais, c'est les nuances, y compris celles que tu ne veux pas voir.

Morceau n° 3

IRL aussi y a des choses qui foutent le camp. 
Tu le sens à certains de tes excès que tu as du mal à contrôler, tu le sens à ces reproches faits par ton entourage que tu ne sais plus rassurer, tu le vois bien aux moments que tu voles à la vie de plus en plus souvent. A l'importance que tu donnes à ceux que tu rencontres au détriment de ceux qui sont déjà là, à la place qu'ils prennent parce que y a de l'espace à occuper. 
Tu le sens à ce vin qui te réchauffe la gorge bien souvent, à cette difficulté que tu as à décrocher du boulot qui pourtant te plombe 10 heures par jour, à ce manque de sommeil que tu entretiens si bien en évitant avec soin de te coucher trop tôt et de te lever plus tard, à cette consommation de cigarettes qui a doublé, à ton envie d'ailleurs qui grandit bien plus vite que les choses n'avancent, à cette multiplication des contacts avec l'autre monde, avec ta plongée dedans toute habillée, vaille que vaille et fuck les conséquences. 
Tu le sens à ces regards accusateurs, à la frustration que tu déclenches chez l'autre et à ton incapacité à faire autrement. A ton j'm'en-foutisme trop bien huilé, trop travaillé pour être le fruit d'un hasard non maîtrisé.
Tu sens tout ça et tu ne fais rien pour que ça change. 
Tu n'as ni la force, ni la foi, ni l'estime de toi qu'il faut pour ça. 
Tu te contentes de le vivre, spectatrice coupable de ne pas savoir changer le cours des choses, de le subir, de l'accepter, de l'accueillir même, de le vouloir peut-être ?


*
**
Ce texte avait besoin de sortir. Sans fioriture, sans prendre le temps de la relecture, comme bien souvent d'ailleurs. Accueille-le s'il te plaît avec toute la bienveillance dont tu es capable, avec tout l'amour que tu me portes parfois, avec la tolérance nécessaire pour ne pas qu'il ne fasse trop de dégâts. Si tu arrives à ça, coeur sur toi. Si tu n'y arrives pas, ne me le dis pas. Je ne supporterais pas.

© Isa – décembre 2013

dimanche 22 décembre 2013

...schizophrène...

Déjà faut poser les bases en balançant la définition médicale.
La schizophrénie est une psychose grave survenant chez l'adulte jeune, habituellement chronique, cliniquement caractérisée par des signes de dissociation mentale, de discordance affective et d'activité délirante incohérente, entraînant généralement une rupture de contact avec le monde extérieur et parfois un repli autistique.
Bien sûr on est loin, mes autres et moi, d'en être là. On tourne surtout autour de la partie "signes de dissociation mentale", ce qui est déjà pas si mal. 

Pour ceux et celles qui ne voient qu'une facette, aucun problème. Ils ne connaissent qu'une seule Isa, en ont fait le tour, sont juste un peu surpris parfois quand ils se confrontent à une autre partie d'elle, mais finissent par la retrouver telle qu'ils l'ont toujours connue et tout roule bien comme ça.

Là où ça devient plus délicat, c'est que certaines personnes font partie de plusieurs de nos mondes, voire de tous. Du coup, ils sont tour à tour en présence d'une personnalité, puis d'une autre, d'une troisième encore différente et ils ne savent plus où donner de la tête, ça tourne dans tous les sens et ça change de fréquence en une fraction de seconde. Il leur faut faire preuve d'une adaptabilité sans bornes, presque surhumaine, pour parvenir à suivre les variations et les virages, et je peux comprendre que ça peut vite filer le mal de mer pour qui ne sait pas trop gérer les changements de cap inopinés.

Parce que, tu vois, y a plusieurs moi. Qui n'ont pas grand chose à voir les unes avec les autres. Par habitude, par réactivité extrême, par réflexe même, je passe de l'une à l'autre sans trop me poser de questions, sans avoir vraiment besoin de le préméditer. Ça coule naturellement.

Le personnage "public" se décline en deux parties.
D'un côté, la blogueuse qui a trouvé son style et sa ligne éditoriale et qui se sent bien dans le registre mélancolico-dramatico-maniaco-dépressif. Tout est noir, sombre, il pleut tout le temps, le soleil ne perce pas donc la lumière ne filtre pas, ça balance des "putain" et des "merde" et ça ne fait pas attention à comment sont réceptionnés les mots de l'autre côté, parce qu'ils ne demandent qu'à sortir et que là est la priorité. Elle ne parle que de la crasse, des saloperies, elle puise en elle une anecdote destructrice et ajoute plein de mots autour, elle romance un peu, elle ne nuance pas, elle lâche les phrases à un rythme endiablé, en apnée, et ne respire que quand elle clique sur "publier". Immédiatement après, elle disparaît. Cette nana-là n'existe que dans les moments où elle est face à son éditeur de texte, et toi qui prends tous ses mots au tout premier degré sache que tu te trompes de combat.
De l'autre côté, la twitta qui a appris et intégré les codes de la Twittosphère tant bien que mal et qui envoie ce qui est attendu d'elle, plus ou moins. Elle récupère les tournures de phrases, les "avec toi ?" et les "REPASA", elle les utilise comme tout le monde, tout est trop "une fête commerciale" et elle rentre parfaitement dans le cadre. La fille qui tweete à l'intérieur de moi est tout le temps là, en continu, en trame de fond, elle verra dans chaque petit événement de sa vie IRL une façon de le décliner en 140 caractères. Mais là encore, le public est précis, ciblé, il s'attend à certaines choses alors elle ne donne pratiquement que ça. Tu ne parles pas sur Twitter comme tu es exactement dans la vie réelle, c'est un jeu où ton personnage virtuel est largement inspiré de toi mais fortement limité par les usages, complètement crypté par les codes, totalement coincé par la déontologie twittesque.

A côté de tout ça, partout autour, dedans, dessus, dessous, y a le vrai moi. Celle qui n'est pas un "personnage" privé mais bel et bien l'être humain, la chair, les os, bon la chair surtout ok, les yeux qui regardent, les mains qui touchent, le corps qui se déplace. Celle qui hésitera toujours avant de dire les choses, parce qu'elle a peur des réactions que cela va provoquer, en elle et autour d'elle, celle qui vibre vraiment, qui sent des douleurs physiques, qui aime follement d'amour, qui donne tout ce qu'elle peut donner sans s'éteindre complètement, qui essaie de prendre soin de ceux qui comptent, qui négligent ceux qui font le mal. Celle qui sera toujours dans le doute de tout, de l'amour qu'elle inspire, de l'intérêt qu'on lui porte, de la valeur qu'elle a, de ce qu'elle provoque chez l'autre. Celle qui essaiera de faire attention à bien choisir ses mots, parce qu'elle sait qu'ils blessent quand ils sont trop coupants, parce qu'elle n'aime pas faire mal, parce qu'elle préfère souffrir un peu plutôt que de se soulager au détriment de l'autre en face. 
Et elle, elle s'en fout d'emmagasiner certaines frustrations ou certaines colères qu'elle ne pourra pas exprimer, parce qu'elle a ses identités virtuelles pour l'aider à évacuer tout ça. La boucle est bouclée, tu vois.

Toi qui me côtoies dans tous ces univers, qui me lis ici ou ailleurs et qui me sais aussi en vrai, ne laisse pas s'installer entre nous la barrière de l'incompréhension, ne laisse pas grandir en toi la colère de me voir t'aimer en privé puis te descendre en public, s'il est un service que je voudrais te demander, c'est bien celui-là : lis entre les lignes, demande toi laquelle des Isa écrit les mots qui te font si mal, et comprends à ce moment-là que ce n'est pas celle qui t'aime mais celle qui se doit de tourner en ridicule pour un public qui n'est pas toi, qui ne te connait pas, qui ne te jugera pas. Si tu doutes, demande moi, parce que plutôt faire crever une de mes identités que de prendre le risque qu'elle te fasse souffrir à tes dépens et aux miens.

La vraie Isa, c'est celle que tu as tous les jours en face de toi. Ne doute jamais, jamais, jamais de ça.

© Isa – décembre 2013

samedi 21 décembre 2013

...en phase up...

On entre dans la phase haute du phénomène autrement appelé "maladie" par les professionnels de la santé. Dans la phase euphorique. A la lecture de ces premiers mots tu te dis que c'est une bonne nouvelle, qu'elle laisse tomber la mélancolie et que c'est plutôt chouette.

Détrompe-toi.

L'euphorie pour elle n'est pas saine. L'euphorie est synonyme de surtension et source de surexcitation mentale. 

Concrètement, ça marche comment ? Concrètement, tous ses sens sont en alerte. Pas grand chose ne lui échappe. Elle sent les odeurs, voit les couleurs, teste les saveurs à la vitesse lumière et comme une junkie n'arrivant pas à se contenter de sa dernière dose, elle en redemande juste après. Elle provoque l'action, encore, toujours, ne supporte pas l'ennui et le calme de la routine. Elle a besoin d'être en mouvement, en contact, au diapason de ceux qui l'entourent pour absorber en plus des siennes, leurs émotions à eux. Elle veut tes mots, ta présence, tes tripes qui se retournent, elle s'en nourrit quand son dedans à elle ne suffit plus, ce qui lui permet de toujours continuer à ressentir, à vibrer. Elle vit ta vie dans sa tête, par procuration, elle t'imagine faire ce que tu lui dis être en train de faire, sentir ce que tu lui dis être en train de sentir, et ça ne s'arrête jamais puisqu'elle passe de toi à un autre sans aucun temps d'adaptation, sans aucun sas de décompression, elle est complètement perméable à tous ceux qui croisent sa route et bouffe sans vergogne tout ce qu'ils ont à donner, aspirent leurs émotions et les fait siennes.
Elle ne dort plus, ou peu, et mal, et en décalage, parce que dormir c'est perdre du temps, c'est être seule loin de toi, c'est avoir les yeux clos sur le monde. Parce que dormir c'est pour les faibles et les lâches qui n'ont rien à vivre, rien à engranger. Parce que dormir c'est rêver et que les réveils loin de ces rêves sont douloureux. Elle mange comme une adolescente, boit comme une étudiante, fume à s'en encrasser les poumons et à s'en brûler la gorge. Elle n'a plus de rythme, plus de demie-mesure, elle est dans l'extrême sensibilité de tout ce qui l'entoure et fatalement dans l'extrême urgence de vivre des choses qui vont bousculer cette hyper-émotivité, la provoquer, l'exacerber. Elle est dans la conscience parfaite de son corps, de ce qui se passe sous sa peau, de ce que veulent dire les frissons qui la parcourent et de ce que lui inspire la délicieuse torture de la douleur qui se cramponne à son bas-ventre. Elle est dans le beaucoup, dans le trop, dans ce qui dépasse les limites du raisonnable, du politiquement correct, du socialement acceptable. Elle est dans l'outrance et elle se shoote à ça.

Pour toi, qu'est-ce que ça change ? Pas grand chose, réellement. Toi tu ne vois que ses sourires multipliés, ses mots qu'elle partage un tantinet plus qu'habituellement, et tu aimes qu'elle soit aussi ouverte, aussi offerte, quand elle sourit t'adores ça, tu te dis que c'est toi qui provoques cette émotion là et ça te plaît. Toi tu ne te rends pas compte que ce que tu peux dire et faire n'a que peu d'importance, que tout se passe chimiquement entre son cerveau et l'image qu'elle te renvoie, que tu n'es maître de rien et que ses hormones décident de tout, que tu auras beau tenter de donner une direction à votre échange, elle ira en sens inverse si elle en décide ainsi, elle n'est plus en capacité de s'adapter à ce que tu veux, elle est déjà loin, là où son imagination à elle l'emmène, là où seules ses émotions comptent. Pas parce qu'elle se fout de toi, mais juste parce qu'elle n'est plus contrôlée que par ça.

Mais tout va bien parce que tu ne le vois pas, elle n'a plus le contrôle de grand chose mais elle maîtrise au moins ce qu'elle montre devant toi, elle te paraîtra douce quand tu auras besoin de douceur, même quand la rage infusera dans ses veines, elle te paraîtra aimante quand tu auras besoin d'amour, même quand le monde lui inspirera de la haine, elle te paraîtra sereine quand tu lui avoueras aimer la voir apaisée, même quand tout bouillonnera dans son dedans. 

Là maintenant qu'elle te dévoile cette mascarade, tu te dis sûrement qu'elle te ment et tu t'en offusques peut-être un peu et tu auras tendance à lui en vouloir. 
Rassure-toi, c'est dans ces phases là qu'au contraire elle est au plus près de ce qu'il y a de vrai en elle, qu'elle est au contact de son naturel. Elle aura tendance à te montrer d'elle ce que tu auras envie d'en voir, mais ce n'est pas pour te tromper, plutôt pour te rassurer.
A elle ensuite de gérer l'amoncellement de sentiments contradictoires qui luttent au fond de son bide, ses envies, l'absence de doute, son excitation permanente. Quoi que tu fasses elle est la seule à pouvoir batailler contre tout ça, c'est son combat, c'est sa croix. 

Bien sûr tu peux aider un peu, et c'est pas bien compliqué d'ailleurs. Soit t'en as rien à foutre et surtout tu ne lui fais pas croire le contraire, jamais, nulle part, sous aucun prétexte. Soit y a quelque chose en elle qui te fait l'aimer un peu, et tu le lui dis de temps en temps pour ne pas qu'elle oublie et aussi pour qu'elle ne s'empêche pas d'y croire. 

Il est là, ton choix à toi.


© Isa – décembre 2013

jeudi 19 décembre 2013

...motus et bouche cousue...

Quand t’as l’impression d’être vraiment trop en boucle, t’as toujours tendance à te replier sur toi-même. Pour ne pas emmerder le monde, ne pas trop déranger, ne pas plus passer pour une tarée que tu ne le fais déjà en temps normal. Et puis ça t’arrange, parce que tu ne trouves pas les mots, t’es là avec ton angoisse de la page blanche qui paralyse tes petits doigts boudinés et censure l’extraction de la pensée. Parce que par contre ce n’est pas parce que tu ne dis pas que tu ne penses pas, évidemment. Dans ta tête y a le flot ininterrompu de la même merde habituelle, avec, en plus, l’actualité pesante qui en rajoute une couche. Comme sur un disque rayé c’est toujours les mêmes musiques qui se répètent, tes mécanismes de défense ne fonctionnent pas très bien et le noir envahit un peu ton dedans.

Du coup, tu la fermes. Tu lis les mots des autres et tu chiales de chacune de leurs émotions, tu t’en nourris même mais dans ces moments là t’es tellement bourrée d’empathie que ça te fait presque mal. Non pas que tu te sois transformée en Mère Teresa de la compassion, qui porte la douleur du monde sur ses frêles épaules. Ton manège à toi est bien plus égoïste que ça : t’en as tellement marre de traîner tes casseroles et ton putain de mal de bide que tu préfères regarder ce qui se passe ailleurs pour ne pas trop focaliser sur ta petite personne. Mais du coup, un peu sensibilisée par ce qui te tombe dessus en ce moment, t’as du mal à rendre ta peau complètement étanche et les douleurs des uns et des autres arrivent à se frayer un chemin jusqu’à juste en dessous. Ça te pique un peu. Ça te brûle parfois.

Donc toi t’en es là, la bouche cousue, les doigts immobiles, avec tout ton fatras d’émotions à l’intérieur et la peur que ça commence à se voir. Parce qu’évidemment quand tu ne fais pas sortir le flot, il s’accumule un peu partout dans ton corps et c’est un peu comme quand la bile ne s’écoule pas, ça se voit. Bon c’est un peu plus glam qu’une jaunisse certes, mais les symptômes apparents sont nombreux pour qui sait où regarder. Les valises sous les yeux, eux-mêmes bien rougis de fatigue, la respiration plus saccadée, le pas plus lourd.

Comment tu fais toi quand ça va déborder mais que tu ne peux pas extirper sans te mettre à mal ? T’as bien deux trois petits trucs, t’écoutes pas mal de musique en chantant tout ce que tu ne peux pas dire, tu te noies dans le travail, par exemple. Tu sais très bien que ça va pas faire diversion bien longtemps et qu’à un moment faudra que tu craches le morceau parce que c’est en train de ronger chacun de tes organes un à un et que la douleur est à la limite de l’humainement supportable.

Mais devant les gens tu fais face, tu luttes pour que ça n’interfère pas trop dans ta communication, tu ne tombes plus jamais le masque, t’as un sourire collé sur ta bouche et putain qu’est-ce qu’il est faux, t’as de l’attention pour chacun mais putain qu’est-ce que tu mens quand tu fais croire que c’est complètement désintéressé, tu mets tout ton jus dans les actions indispensables du quotidien mais putain qu’est-ce que t’en as rien à foutre. Un automate, un putain de robot qui avance tout droit comme il faut, qui s’applique à faire vite et bien, qui donne ce qu’on attend de lui. Sans aucune once d’humanité là-dedans. Normal, quand on sait que les rares fois où tu t’autorises à ressentir ça ressemble toujours à l’idée que tu te fais d’un coup de poignard.

Un jour peut-être que t’arriveras à gérer tes petits malheurs insignifiants avec la dignité et le courage d’une vraie dame. Que t’arriveras à en parler sans donner l’impression que t’es en train d’en crever. Que tu sauras comment dire le mal sans pour autant le cracher à la tête des gens. Que t’auras d’autres formes d’expression que toutes ces putain de larmes et cette rage et la haine que tout ça t’inspire. Que t’arrêteras d’avoir mal au bide à chaque fois qu’il te faudra parler de ce qu’il y a à l’intérieur de toi.

Un jour, peut-être.
D’ici là, t’as raison… boucle la.

© Isa – décembre 2013

mardi 17 décembre 2013

...une fillette de 16 ans...

Tout se met en place un dimanche soir et du coup on sait déjà que l'histoire ne peut pas être gaie. Qu'elle ne fera pas sourire. Le dimanche soir c'est un peu comme un au-revoir, un peu comme un départ, y a plein de bonnes choses avant et d'un coup tout s'arrête. Le dimanche soir c'est un peu comme quand, gamine, tu avais mal au ventre à la veille de la rentrée des classes. Ton corps te dit qu'il n'aime pas et aucun cacheton ne peut torpiller ce mal-là.

Le décor étant celui-là, t'aurais dû te douter que rien de bon ne pourrait en sortir. Que fatalement quelque chose allait merder.

En plus ce dimanche là, t'es vachement affaiblie par la nuit de deux heures que t'as dans les pattes, par la cuite prise avant et la gueule de bois d'après, par la semaine que tu viens de traverser comme on traverse une zone de guerre - la peur au fond du bide et la rage aux dents et l'espoir de sortir vainqueur, par ton ventre vide parce que plus rien ne passe, par l'attente des résultats du dernier truc que t'as tenté. T'es pas franchement dans ton assiette, ça remue beaucoup dans le dedans, mais bon ça t'as l'habitude, c'est souvent comme ça en ce moment.

Comme tu t'es engagée et que de l'autre côté y a du monde qui compte sur toi, tu te rends quand même, difficilement, sur les lieux où tu es attendue. Le cadre te plaît, la petite cour sous un porche parisien, un bar au fond, de la musique qui dit que c'est Noël, l'odeur de la cannelle qui s'échappe du stand de dégustation, le visage amical de ta meilleure amie qui injecte un peu de sérénité dans ton cœur qui bat la chamade sans que tu ne saches trop pourquoi.

Puis rapidement tu comprends. Ce soir n'est pas un soir comme les autres, ce soir y a de l'émotion partout dans tes veines, ton sang ne porte plus que ça, tu le sens sous ta peau qui affiche une chair de poule qui ne veut pas s'en aller, tu le sens dans le rouge qui reste scotché à tes joues, tu le sens juste là sur tes tempes bizarrement en surchauffe, tu le sens dans ton pouce droit crampé, symptôme ô combien révélateur que quelque chose se passe.

Evidemment le réflexe de survie te pousse à la consommation. Non pas que le vin rouge dilue les merdes, mais il arrive pas mal à diluer la paralysie qu'elles rameutent. Du coup t'arrives encore à bouger, à parler, à sourire, à te nourrir de tes yeux, à être là avec les gens et pas juste seule parmi eux. T'es un peu gonflée à bloc par tout ça, par le vin qui te réchauffe petit à petit, qui t'enivre délicieusement et qui te fait t'oublier un peu.

Tant et si bien que t'enquilles les conneries, tu fais plus attention à rien alors ton téléphone se retrouve au fond de la cuvette des chiottes, ça pourrait te faire pleurer si tes 3.12 grammes ne t'aidaient pas à en rire. Malgré la tête qui tourne un peu t'es encore assez vive pour visualiser les conséquences du drame, et comment tu vas expliquer ça aux gens sans passer pour une irresponsable qui ne maîtrise plus grand chose quand elle boit, et comment tu vas supporter l'isolement imposé de force par l'absence de ce qui était devenu une extension naturelle de ta main. Toi sans téléphone, c'est un peu comme un sapin sans boules, ça tient debout, ça existe, mais c'est vide et ça sert à rien, à part offrir un spectacle désolant à celui qui regarde.

Et parce que tu ne sais pas t'arrêter, parce que tu aimes parfois perdre le contrôle et la conscience des choses qui se passent, tu continues à boire. Ton verre n'est jamais vide sauf que tu ne te rends même plus compte du moment où on le remplit, c'est un peu une main invisible qui s'occupe de tout ça pour toi. Et dedans les émotions grandissent encore, tout est amplifié, tu décolles un peu du sol, t'es plus vraiment à l'intérieur de toi mais plutôt légèrement à côté. Tu te regardes agir en société sans beaucoup de dignité, sans cacher ni l'état dans lequel tu es ni le comportement de teenager que ça engendre.

Puis c'est l'heure de rentrer, parce que tout a une fin, même si tu aurais pu rester là toute la nuit. Trajet en trois temps, marcher un peu, prendre un taxi ensuite, monter dans un carrosse enfin. A chaque étape le mal veut sortir de toi et t'as du mal à le retenir alors tu laisses faire. T'as 16 ans.

Et home sweet home, enfin. Là les vannes sont tellement ouvertes qu'après avoir vidé toute la bile ce sont tes yeux qui prennent le relais et se mettent à cracher. Un flot bruyant, continu, douloureux, insupportable. Des spasmes, le maquillage qui coule partout, les paupières et le nez qui rougissent et gonflent, ça fait mal, ça pique, mais ça ne s'arrête pas. En face on veut te faire gober un cachet pour calmer le jeu, réaction épidermique de l'ancienne toxico médicamenteuse tu rejettes violemment l'idée. En plus tu sais bien que parfois faut pas chercher à endiguer mais au contraire à purger. Tout faire sortir pour redémarrer vidée, lessivée, mais avec une virginité retrouvée, un semblant de pureté, en tout cas c'est plus propre et c'est déjà pas mal.

Derrière la nuit qui passe est chaotique et pas tout à fait reposante, mais suffisamment salvatrice pour que tu puisses remettre ton masque social et aller au charbon le lendemain.

Pour une fois tu ne te plaindras même pas qu'on est lundi, pas une seule fois tu n'y penseras d'ailleurs.

Là, le fait qu'on soit lundi veut dire qu'on en est plus à ce putain de dimanche soir et, en soi, c'est déjà une belle victoire.

© Isa – décembre 2013

dimanche 15 décembre 2013

...amoureuse de toi et moi...

Tu la sens, là, mon urgence ?

Mon envie d'encore, de plus, de plus grand ? Tu la vois dans mes mots ?

Tu la vois, là, l'incapacité à stopper, à faire ne serait-ce qu'un break pour reposer les boyaux qui se tordent à l'intérieur à chaque fois ? Tu me vois, continuer encore, ne plus m'arrêter, renouveler souvent, bouffer toute ma part, finir l'assiette d'à côté, et en redemander ?

Tu sens, dans mes mots ? Le changement dans la fréquence à laquelle je les balance, dans le rythme que je leur donne ? Dans les tripes que j'y mets, dans les révélations que je fais, dans les termes que j'utilise ?

T'as remarqué, même, que j'y mets la voix quand l'écrit ne suffit plus ? Parce que ça me rapproche du but, que ça me fait frissonner encore un peu plus, que l'excitation n'en est que décuplée ? 

Tu te rends compte, de l'isolation que ça m'impose, des moments de vie ailleurs que je sacrifie pour être là, parce que plus qu'une envie, ça devient un besoin qui bouffe tous les autres ? Tu les visualises, les stratagèmes que je dois mettre en place pour pouvoir y consacrer du temps sans faire de dommage collatéral, sans qu'on me rappelle à mon autre réalité, juste pour le plaisir de prolonger ?

Tu arrives à le délimiter, toi ? L'espace que c'est en train de prendre, qui grandit, qui s'impose, qui gagne du terrain et laisse peu de place au reste ?

Et puis est-ce que tu sens, surtout, là, au-delà de l'urgence, au-delà du besoin, que c'est dans ces moments-là que je ne suis plus que moi-même, que mes miettes et morceaux éparpillés se rassemblent tous pour ne former qu'une seule plume ? Est-ce que tu le sens, ça, que là tout de suite je ne vois presque plus que par ce qu'il y a entre toi et moi ?

Par ce que je t'envoie, par la façon dont tu le reçois ?

Putain que c'est bon quand t'es là.

© Isa - décembre 2013

*
**
Pour mon lectorat, présent, fidèle, bienveillant.
Pour toi, toi, et puis toi là.
Pour qui se reconnaîtra et pour qui n'osera pas.

...en pleine nuit...

Ne pas dormir. Garder les idées claires, les yeux ouverts, la peau sensible. Lutter pour que le sommeil n'efface pas tout ça. Pour être sûre que l'arrivée de demain se fasse sans secousse, sans le choc du réveil qui a tendance à amoindrir.

Être parfaitement conscient de tout, du contexte, de l'émotion qui se planque dedans, à côté, ailleurs, autour. Être réceptif aux bruits, à la lumière, à l'absence de mouvement. Et pourtant, ne pas céder. Continuer à lutter parce qu'il n'y a que ça, là, maintenant, qui te donne l'impression de contrôler.

Savoir que tu es prête à tout lâcher, qu'il ne faudrait pas grand chose, que le simple contact de ta joue sur l'oreiller inviterait Morphée à t'envelopper de ses bras. Malgré ça résister, pour ne pas que la nuit te vole ces minutes à toi, tellement à toi pour une fois, ces minutes sur lesquelles seules tes propres réflexions ont de l'emprise.

Prolonger le plaisir de la solitude, et le noir autour, et les peurs que ça engendre, et cette envie qu'un autre, réconfortant, présent, te rassure de ses mots, pour ne pas sombrer seule. Mais préférer néanmoins cette absence de l'autre, si consciemment vécue, à l'absence de ta propre conscience des choses, des sentiments et des désirs.

Te battre contre le bruit du vent qui se faufile par la fenêtre, qui veut te bercer de sa mélodie un peu funeste, qui veut t'emporter loin de toute ta réalité. Ne pas écouter, rejeter en bloc, ne pas ressentir l'appel de la nuit.

Préférer attendre le jour qui se lève, prometteur, souriant, et tout ce qu'il va apporter de bienfaiteur avec lui.

D'ici là focaliser ton attention sur ta peau qui frémit, et te dire que merde, t'as beau être morte de fatigue, là tout de suite tu vis.


© Isa - décembre 2013

samedi 14 décembre 2013

...au carrefour...

Encore un matin vaporeux. Encore une nuit trop courte après une journée trop intense. Encore un corps fatigué de ne pas assez se reposer, blasé d'être parfois malmené. Encore la même histoire qui se répète invariablement. La boucle est là et tu t'es enfermée dedans, rien ne change.

Un jour tu seras une adulte raisonnable. D'un côté t'attends ce jour-là comme on attend le nouveau Messie, parce qu'il signifiera que tu acceptes de grandir, de maturer, de vieillir. De l'autre tu le redoutes comme le loup blanc, t'as tellement pas envie d'arrêter de vibrer comme seuls le font les adolescents.

Tu sais bien que c'est inéluctable. Que ça se fera, avec ou sans ton consentement. Ton corps finira par lâcher, peut-être même un peu avant l'heure, au vu de certains excès que tu lui imposes. Il te dira stop et t'auras pas bien le choix. Ta putain d'horloge biologique aussi. Là maintenant tu ne l'entends pas, mais tu sais - tu l'as lu dans des magazines - qu'elle a accéléré le rythme un peu déjà. A un moment son tic-tac sera si assourdissant que tu seras obligée de céder à la pression énorme des hormones en fusion. Tu feras quoi à ce moment-là, hein ? Et dans ta tête il va se passer un truc. L'envie du calme de la routine, des projets qui se construisent sur fond de crédit immo, des voitures qui deviennent plus grandes pour y caser la descendance, le troc de cet appartement contre le pavillon de banlieue avec un jardin et un chien dedans. Les gens aussi, vont te faire changer. Ils vont arrêter de regarder ta vie avec l’œil bienveillant qui semble vouloir dire "elle est jeune, ça lui passera". D'ailleurs t'as l'impression qu'ils n'en sont déjà plus tout à fait là. Ils commencent à se poser des questions plutôt, et puis comme ils ont pas les réponses ils viennent t'emmerder pour les avoir. Pour l'instant t'arrives pas trop mal à te défiler, mais à chaque fois ça te travaille un peu plus que la fois d'avant. La guerre des nerfs, ça marche bien sur toi. Ils t'auront à l'usure, quoi. Et puis y a le moule de la vie tu sais. C'est le même pour tout le monde. Certains prennent des chemins de traverse mais tous arrivent au même endroit à la fin. Naître, grandir, vieillir, mourir. Tu n'y couperas pas. T'as un peu poussé déjà, pas bien droit, fortement de traviole même, on peut le dire, et là t'attaques la phase "vieillir" du processus. Je le sais bien, que t'aimes pas ça, que ça te fait flipper, que tu penses pas être prête, mais que veux-tu ma grande, c'est ça ou crever hein. Y a pas vraiment d'autre choix. Je te vois venir, tu te dis que t'as le temps, que pour l'instant t'es dans ta boucle et que t'échappes au mouvement continu et linéaire du temps, que t'es encore en dehors de ça. Détrompe toi. T'as beau être bloquée dans ta bubulle d'adolescente à peine pubère, tu ne la sens pas bouger parce qu'elle va bien trop vite mais elle dévale la pente du temps qui passe tu sais. Avec toi dedans qui vieillis pareil.

Ton corps, tes hormones, ta tête, les gens, la vie. Tout ça te pousse vers l'adulte raisonnable que fatalement tu deviendras. D'ici là, t'as deux choix.

Soit continuer comme maintenant, garder tout ça dans un coin de ta tête, en procrastinant fortement sur ce qu'il y aurait à faire avant d'en arriver là. En te nourrissant comme aujourd'hui des trucs qui te remuent les intestins, qui te font te lever le matin. En vivant des obstacles que tu surmontes les uns après les autres, des rencontres que tu fais & qui comptent, des petites victoires du quotidien. En continuant à écrire pour faire entendre ta petite voix intérieure, pour faire passer ton message.

Soit arrêter le YOLO staïle, penser activement à qui tu veux devenir, en te mettant tout de suite à ta table de travail pour préparer l'avenir. En te nourrissant des projets qu'une femme de ton âge doit faire, en y pensant en te couchant le soir. En vivant des étapes nécessaires à l'accomplissement de demain, des personnes qui vont y contribuer & qui comptent, des grandes questions du quotidien. En arrêtant d'écrire tout ce que tu sais être vraiment, pour commencer à décliner celle qu'on attend que tu sois.

Choisis, maintenant. Demain arrive à grands pas.

© Isa - décembre 2013

jeudi 12 décembre 2013

...paradoxalement vôtre...

Y a certains points sur lesquels tu ne déroges pas à ce que ton statut de femme prévoit. T'aimes les fringues, t'aimes les compliments, tu connais par cœur les répliques de Pretty Woman, tu assortis tes chaussures à ton écharpe. T'as bien les bases de la féminitude en toi, quoi. 

Et puis surtout, t'as ce truc à la con un peu vissé au corps. Mais si, fais un effort, tu sais bien... le truc du paradoxe permanent ! Tu vois pas ? Vraiment ?! On va tenter de te rafraîchir la mémoire alors. Thérapie de choc par étalage d'exemples concrets.

Déjà, quand t'as faim, genre très faim. Genre que tu pourrais bouffer un boeuf. Et que tu arrives dans ta cuisine et que malgré les placards et le frigo pleins il n'y a absolument rien qui trouve grâce à tes yeux et que tu repars bredouille. Step one.

Quand t'es malade aussi. A l'article de la mort à en croire tes râles et tes gémissements. Tellement que tu songes à rédiger ton testament et laisses des instructions pour ton enterrement. Mais que tu refuses catégoriquement d'aller voir un médecin sous prétexte que c'est pour les faibles. Step two.

Et puis dans ton sac à main. Où tu aimes que chaque chose soit à sa place, que rien ne manque, et où c'est pourtant toujours un sacré foutoir où le superflu remplace souvent l'essentiel. Step number three, baby.

Au bureau, évidemment. Quand on te demande si t'as le temps de nettoyer les bouses laissées par les vaches qui paissent non loin, que t'as peur de te salir les mains mais que tu remontes quand même les manches. Passion faire ce que t'as pas envie de faire tout en donnant l'impression que t'adores le faire. Step four, à l'aise.

La liste non exhaustive devant se terminer en apothéose avec un dernier exemple bien pensé, regarde toi donc quand t'aimes bien quelqu'un. Mais vraiment. Genre beaucoup. Quand ça déborde tellement que ton instinct te pousse à... t'en éloigner. Give me five, darling, tu fais ça super bien.

Voilà ma grande, regarde toi t'embourber dans tout ça maintenant. Assume. Montre au monde à quel point tu peux être difficile à suivre parfois. Comme ça, c'est sûr, ils ne te retiendront pas quand tu t'en éloigneras. 

© Isa - décembre 2013


mercredi 11 décembre 2013

...à J-1...

Mercredi soir, le plus dur est fait.
En durée, en tout cas. En stress, pas tout à fait.

Y a cet entretien demain. Qui compte. J'en avais parlé ici et , bah là tu vois c'est la suite. L'ultime étape. Le moment avant la grande révélation finale. La course à la victoire.

J'y vais avec tellement de trucs en moi. La peur d'oublier un des éléments importants notés sur la liste que j'ai soigneusement rangée dans un coin de ma tête. L'espoir de sortir fière de ce bureau évocateur de tant de mauvaises nouvelles passées. Le désir de bien faire.

Mais aussi... l'envie de crier à la face du monde que putain je m'en fous de tout ce qui va ressortir de tout ça, j'ai rien à vous prouver, ni à toi ni à l'autre à côté, je vaux mieux, je vaux plus, si je tombe y a des bras pour me rattraper, je sais faire face à un "non", j'en ai déjà tellement bouffé, et puis ton poste là tu crois vraiment qu'il a une vraie valeur ajoutée, que je vais m'épanouir dedans, que j'ai besoin de ça pour aller mieux, pour grandir, pour me sentir à ma place ?

Je peux pas le dire aux gens, ça, tu vois, je peux pas le dire à mes proches, parce qu'ils m'ont vue vouloir ce job à m'en isoler de tout, me battre pour l'avoir avec l'énergie du désespoir, dégringoler suite aux refus qu'on trouvait tous tellement injustes. Alors aujourd'hui il ne comprendraient pas, que je vois plus grand, que je suis bien plus loin, dans une quête tellement moins matérielle. Que je me suis recentrée sur les priorités, ma santé mentale, mon désir d'écrire qui me fait me réveiller en plein milieu de la nuit. Parce que c'est ça qu'il y a dans mes tripes hein, c'est écrire, c'est parler avec des gens, c'est échanger, c'est pas un putain de job de bureau aussi bandant qu'une chaise bancale, c'est pas 50€ de plus par mois non plus tu vois. 

Alors ouais j'y suis allée, je me suis lancée encore, mais cette fois ci un peu à mon corps défendant, parce que c'était écrit, parce que je devais à ceux qui y croyaient de tenter le coup une nouvelle fois, la dernière sûrement quand même hein, faut pas déconner non plus. Du coup je vais bagarrer demain, je vais me montrer sous mon meilleur jour, me vendre comme si c'était le trottoir là et pas ce bureau lugubre, me brader même, annoncer le rabais de Noël à 95% de remise immédiate. Prenez-moi, volez-moi même, je me donne gratuite, me payez pas, je le ferai votre taf, je le ferai bien en plus, j'y mettrai du temps, de l'énergie, tout le jus que j'ai à la place de mon sang, et vous n'aurez jamais besoin de dire bravo, jamais besoin de dire merci. Rackettez, exploitez, sucez jusqu'à la moelle, on s'en fout, y a pas de chair, y a pas de peau, y a pas d'organe qui bat fort sous tout ça, prenez tout, me laissez rien, j'ai besoin de rien d'autre que de vous satisfaire, moi.

Voilà ce que je vais leur donner de moi demain, parce que c'est dans mes gènes, l'abnégation, la liquidation totale, la mésestime tellement forte de ce que t'as dans ton bide que du coup tu le jettes en pâture sur la place publique en criant "mangez-moi". 

Et puis après, avant de retourner bosser, j'irai fumer une cigarette pour me détendre avec les copines. Non sans être passée aux chiottes me vider de toute la gerbe qu'ils me collent à me rendre si peu digne, si peu fière de qui je suis et me laver la bouche de toutes les horreurs que je suis prête à dire juste parce que j'ai ce putain de besoin que pour une fois, on me dise oui. Je prendrai bien sûr soin de ne pas croiser le reflet que me renverra le miroir, ça pourrait m'inspirer des choses que Maman m'interdit de faire ("on ne crache pas, Isabelle, c'est sale"). Toutes ces choses inspirées par le dégoût de n'être plus que la pathétique ombre de moi-même tu vois.

© Isa - décembre 2013

...là, à faire ma popote...

Certains réflexes de survie, certains mécanismes de défense, sont bien difficiles à appréhender. Tu sais qu'ils sont là, en place, qu'ils fonctionnent plus ou moins bien, que t'as plus trop la main dessus depuis le temps qu'ils font partie de toi. Mais tu ne sais pas trop comment les décrire, les rendre compréhensibles pour les autres. 

La plupart du temps, tu n'essaies même pas. D'abord parce qu'égoïstement tu penses parfois que c'est à eux de fournir l'effort nécessaire pour piger, mais surtout parce que tu te décourages devant l'ampleur de la tâche. Il te faudrait trouver les mots justes, les exemples pertinents ; il te faudrait t'engager entière dans la conversation et pas seulement par le biais du flot de paroles qui sort de ta bouche mais avec tout le reste de ton corps aussi : que tes yeux dévoilent leur tristesse, que ta main soit tendue en une demande muette de renfort, que ta posture révèle ta vulnérabilité. Pour que l'autre puisse entrer.

Et, comme un serpent qui se mord la queue, ce sont les mêmes mécanismes de défense, ceux que tu voudrais expliquer, qui t'empêchent de te mettre dans les conditions adéquates permettant la confession. T'as bien trop la trouille de te montrer victime, tu sais qu'en face y a deux façons de réagir : en héros qui sauve la dame en détresse ou en bourreau qui profite de sa fragilité. Tu n'aimes ni l'un ni l'autre. Toi t'es plutôt à la recherche d'un truc à mi-chemin, une dose juste d'empathie, un savant mélange entre la pitié et le coup de pied au cul. Jusqu'à maintenant, t'en as pas trouvé des masses, des gens qui sont capables de mesurer parfaitement la quantité de chaque ingrédient à ajouter au saladier. 

Du coup, à force d'être trop exigeante dans ce que tu attends de l'autre, t'as fini par choisir de ne plus en attendre grand chose. Évidemment, ça implique d'arrêter de lui montrer la noirceur du tableau intérieur. Tu appliques la méthode du cercle vertueux parfait : tu montres du pastel, il te renvoie du rose bonbon, tu montres des sourires, il te renvoie de l'énergie. Quand tu remplaces le pastel par le sombre et les sourires par les larmes, l'autre ne comprend pas que ce que tu attends, c'est quand même, en retour, du rose bonbon et de l'énergie. Il se met en miroir et te rebalance tes casseroles à la tête. Le cercle vicieux parfait.

Pour arriver à sortir de toi le pastel et les sourires, t'as mis en place tes automatismes. On te demande si ça va ? Tu ne dis plus jamais non. Le "non" met mal à l'aise. On te demande si tu peux ? Tu n'avoues plus que tu n'as pas le temps, le jus, l'envie. Tu fais. On te demande si t'as passé une bonne journée ? Merveilleuse. Jamais connu mieux. La journée idéale. 

Et puis là t'écris tout ça, et tu te dis que ça va provoquer certaines réactions, certaines inquiétudes. Alors tout de suite tu cherches à rassurer. Parce que le pire, c'est que ça va. C'est que tout est devenu tellement naturel maintenant. Passer sur un autre canal de communication te demanderait des efforts que tu n'es pas certaine d'être en capacité de fournir. T'as trouvé ton équilibre dans ce que tu leur envoies au visage, à ceux que tu croises au quotidien. Et eux du coup n'ont pas besoin d'en faire des tonnes en retour. Un échange gagnant-gagnant.

Bon, ce que tu ne dis pas, c'est que du coup parfois, faut quand même que le bordel à l'intérieur sorte. Mais t'as plein d'astuces pour ça, plutôt que d'emmerder ton entourage. D'abord t'écris. T'expulses le crade en trouvant les mots qu'il faut. Mais tu le fais sous les traits de ce personnage bloguesque que tu affines petit à petit. C'est pas de toi que tu parles, mais d'elle là, elle qui "est aussi" pas mal de choses pas jolies et qui les distille les unes après les autres au compte-gouttes. Elle, elle a le droit de parler de tout ça, c'est carrément devenu sa ligne éditoriale d'ailleurs. Elle, on lui rirait presque au nez si elle balançait du pastel et des sourires. Pas besoin du masque, pour elle. 

Et quand te cacher sous sa peau à elle ne te suffit pas, tu vas exorciser ta peine dans autre chose. Tu passes deux heures en cuisine à couper des oignons. Pendant que des larmes chimiques coulent, on ne voit pas que le reste du corps saigne. Pendant que le gâteau crame, on ne voit pas que le bide est en feu. Pendant qu'on assaisonne un plat, on ne voit pas la fadeur autour. Pendant qu'on surveille ce qui mijote, on ne voit pas ce qui macère.

Les raccourcis sont rapides, je te l'accorde. Mais la plupart du temps ils fonctionnent bien. T'occuper l'esprit à des choses bien concrètes qui exigent ta concentration, c'est du temps en moins pour cogiter, introspecter, analyser. C'est déjà ça de pris, déjà ça de gagné. 

© Isa – décembre 2013

lundi 9 décembre 2013

...là, maintenant, tout de suite...

Tu t'en es pris plein la tête ce matin. Machine est douée pour taper pile où ça fait mal. Tu redoutais le rendez-vous avant, t'as chialé toutes tes larmes pendant, tu tremblais de partout après. En même temps c'est lundi ma grande, tu t'attendais à quoi ? Aux petits oiseaux qui chantent peut-être ? Sérieusement ?

Quand t'as commencé ce boulot avec elle y a quelques mois, tu savais que t'allais y laisser quelques plumes. C'était inévitable. A chaque fois que tu dois parler de toi t'as un petit bout de la carapace qui disparaît et donc un petit bout de ta peau qui se montre toute nue. Ça laisse l'opportunité à d'autres de piquer pile là. Et beaucoup en profitent.

Du coup, y a plein de trucs qui te reviennent. Certains refus, certains jugements que tu ne comprenais pas, certaines décisions que tu qualifiais d'injustes, certains couperets qui tombaient pile quand t'avais la tête en dessous. Guillotinée, plusieurs fois, tu te reconstituais malgré tout. Pas totalement, avec quelques manques, un peu en lambeaux, mais tu décidais d'être plus forte que la déchirure et tu rebondissais.

Aujourd'hui encore les échéances de la semaine te pousseront à vite ranger dans un coin de ta tête le choc des révélations de ce matin. Tu vas profiter de cette soirée pour remettre un peu de sérénité dans tout ça, parcourir tes notes pour maîtriser ton sujet de demain sur le bout des doigts, cuisiner pour tes collègues avec qui tu partageras le déjeuner de Noël du service, traîner sur les Internets à la recherche du réconfort nécessaire pour surmonter l'épreuve, te réjouir de la sonnerie du téléphone, s'il daigne sonner.

Tu vas relativiser aussi. Voir un peu le verre à moitié plein, pour changer. Accepter de faire les efforts qu'on te demande encore, en te disant que c'est pour ton bien. Un jour, ça finira par payer. L'espoir reste un allié. Il te ment parfois, te déçoit de temps en temps, mais au moment où il est là tout près, il te renforce un peu et il te faudra t'en nourrir, pour tenir...

Et puis parfois la vie pose sur toi un regard bienveillant, de ses yeux pétillants couleur noisette. Rien que pour ces trop rares, trop courts, mais intenses moments, ça vaut le coup de te reprendre. Encore. T'aimerais bien connaître ça encore.

© Isa – décembre 2013

dimanche 8 décembre 2013

...la tête dans le guidon...

Vas-y, fais comme si de rien n'était. Garde bien la tête dans le guidon hein, t'es douée pour ça maintenant. Fais l'autruche. Pas quand elle court bien sûr, nan, quand elle se planque tu sais. Fais donc ça.

Réveille toi tôt malgré la durée de la soirée d'hier soir, malgré l'ivresse pas tout à fait cuvée et la gueule de bois monumentale que tu vas devoir supporter. Juste parce que les vieux ils font ça, se lever tôt. Et toi, t'es vieille dedans hein. Presque périmée même. A l'aube de la fin quoi.

Prends ton petit cahier de comptes, ta calculatrice et ton stylo, additionne les chiffres pour te soustraire à toutes les pensées irrationnelles. Fais des ratures, c'est mieux sur le cahier que dans ta vraie vie, de toute façon dans ta vraie vie tu peux pas, les gens et les choses que tu voudrais oublier ne s'effacent pas à coup de Tipp-Ex. Ils sont gravés au marqueur indélébile. Vis avec.

Une fois que t'auras tout bien divisé le budget du ménage en multipliant les efforts pour ne pas t'attarder sur ce qui te trotte dans la tête, fais un truc encore plus marrant. T'as de la chance, c'est bientôt Noël, y a plein de trucs à faire. Sors tes listes, tous ces noms dessus, toutes ces choses à acheter ou fabriquer. Tu veux commencer par quoi, ma grande ? T'as l'embarras du choix. Tu peux par exemple te creuser les méninges pour cette belle-famille qui ne t'accepte pas. Ou pleurer de ne pas avoir assez de fric pour gâter ceux qui comptent pour de vrai. T'as vu, c'est chouette, on s'amuse.

Tiens, fais toi un café maintenant. Le troisième. Fais le couler bien chaud sur ta langue encore rougie par le vin, puis dans ta gorge encore douloureuse des 40 clopes que t'as fumées hier. Savoure ce plaisir là, il coûte rien ni à toi ni à personne, et c'est rare les plaisirs gratuits. Profite. Déguste. Peut-être que le liquide brûlant effacera tous les maux du dedans, comme quand la lave se jette jusqu'à la mer et emporte tout sur son passage. T'y crois pas trop je sais, mais essaie quand même. Comme tous les jours. Sur un malentendu, hein...

Tu vois, il est déjà l'heure de sortir le chien, ta matinée s'enchaîne, même pas besoin de forcer, ça coule tout seul. Merveilleux. Allez, dégaine le rituel habituel. Détour par la salle de bains pour vérifier l'image que tu vas renvoyer aux pauvres voisins. Les valises sous les yeux et le crayon noir qui a coulé. Parfait. Passe par la cuisine pour remettre la cafetière à chauffer, elle sera fin prête à ton retour. Au passage, ouvre ta case du calendrier, c'est des Schoko-bons, la journée va être bonne. Troque tes pantoufles contre les baskets qui traînent dans l'entrée, elles sont trop grandes mais on s'en fout. Ascenseur, hall, dehors. La fin de l'automne qui t'enveloppe d'un coup. Comme d'habitude t'es presque pas couverte, justement pour te faire mordre par le froid. Ouais maintenant comme vivre ne te suffit plus pour ça, t'es obligée de trouver des astuces pour te sentir vivante. On fait c'qu'on peut, hein. Avec les moyens du bord.

Remonte maintenant. Chope le café, renferme toi dans ton bureau parmi tous les trucs qui te font croire que t'es importante, tes stylos et tes machins. Mets de la musique. La voix de Jon c'est du réconfort. Ça gomme pas tout mais ça aide un peu. Vas-y, ok, accorde toi encore un peu de répit avant de te mettre au boulot, va traîner sur les Internets pour voir comment le monde se porte. Comme tous les jours, du futile partout, beaucoup. La France a de nouveau choisi le visage de la beauté, les influents rivalisent de vannes pourries sur le sujet, les stars s'offrent de la promo gratuite sur fond d’œuvres caritatives, les influents rivalisent encore.

Tiens, y a de la lumière là, chez celui que t'aimes bien comment il écrit. Vas-y va jeter un œil, ça devrait te plaire. Merde, c'était peut-être pas une bonne idée là tout de suite. Ça pique un peu. Déjà parce que t'aimes pas cette peine que tu sens partout chez lui dès que tu le lis, et puis parce que merde ça te remet dans ton jus quoi. Celui que t'as pris bien soin d'éviter jusque là.

Trop tard ma grande, les vannes sont ouvertes. T'as plus le choix, tu maîtrises plus, ça va sortir.
Écris-leur, maintenant. Y a plus que ça à faire, tu le sais bien.

© Isa – décembre 2013

samedi 7 décembre 2013

...en plein milieu de la cohorte...

Il aura tout de même fallu qu'on te mette cette réalité en pleine face pour que tu t'aperçoives enfin de l'évidence là, sous tes yeux. Il aura fallu qu'un autre te le montre. Qu'il balance ces quelques mots au hasard d'une conversation cachée des autres. "La grande cohorte des écorchés vifs". Ça a tout déclenché.

L'expression a fait son chemin en toi. Tu l'as lue, tu l'as intégrée, puis tu l'as comprise. Et puis tu as fouillé dans toutes les cases, dans toutes les boîtes dans lesquelles tu ranges précieusement ceux et celles dont tu t'entoures. Ceux et celles qui comptent et qui savent. Qui te savent.

Il y a lui qui a longtemps rejeté ce qu'il savait être au fond de lui, pour ne pas décevoir. Qui a dû braver les tabous d'une famille aux préjugés bien ancrés pour pouvoir enfin se réaliser. Il y a elle que ses parents aiment si mal. Qui a dû se construire dans la plus grande misère affective, et qui lutte encore pour espérer y parvenir. Il y a cette autre qui a donné tellement plus que ce qu'elle avait pour venir en soutien à un homme dont l'ingratitude l'a finalement fait fuir. Qui aujourd'hui a appris à aimer différemment, pour ne pas trop souffrir. Il y a lui qui évoque les fantômes du passé qui ont, tous, les traits de cette mère fuyarde et lâche et auto-centrée et malveillante. Qui a maintenant besoin de sortir de lui tous les bouts de verre ancrés dans sa peau ; qui le fait à coups de mots aiguisés comme des couteaux, souvent sous le ton de l'humour pour dissimuler les plaies, mais parfois juste à cru pour montrer combien elles sont encore à vif. Il y a elle dont l'histoire t'échappe encore, mais qui s'enrobe si souvent de mélancolie que tu sais déjà qu'elle aussi a souffert bien plus souvent qu'à son tour. Qui pour cacher ses propres douleurs s'attarde à apaiser les tiennes de sa présence quotidienne. Il y a lui qui s'est battu longtemps contre des démons invisibles, mal connus, et qui aujourd'hui préfère s'attaquer à l'injustice ambiance. Pour ne plus sentir le manque infini de cet enfant qui sera toujours absent. 

Et il y en a quelques autres, et leurs doutes et leurs combats et leurs peines et leurs manques qui résonnent tellement en toi.

Parce qu'au milieu d'eux il y a toi. Toi qui luttes au quotidien contre toutes les pensées sordides, emplies de mélancolie, qui te paralysent parfois.

Toi qui as pile la sensibilité nécessaire, pile le vécu suffisant, pour sentir et reconnaître ceux qui te ressemblent tant, malgré vos différences trompeuses aux yeux des gens. Tous ces malmenés de l'existence, tous ces handicapés de la construction personnelle, tous ces rejetés du bonheur insouciant, tous ceux qui se démènent pour ne jamais couler. Tous ces écorchés vifs.

© Isa – décembre 2013

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Dédié à S., L., P., J., V., S. 
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vendredi 6 décembre 2013

...peinée par ton départ...

La route aura été longue pour en arriver là. Les dernières mètres s’étiraient. La douleur, l’épuisement, l’envie d’ailleurs étaient partout autour de toi, j’imagine. Il fallait que ça s’arrête. Que tes yeux se ferment.

Aujourd’hui tu recevras bien plus d’hommages que tu n’en as eus pendant toutes ces années de vie. Le paradoxe de la mort c’est qu’elle ravive les souvenirs des uns, les regrets des autres, et les mots de tous. Tu ne seras jamais plus vivant qu’aujourd’hui. Jamais plus présent. On n’aura que ton nom à la bouche, sous nos doigts, dans nos oreilles ou devant nos yeux. Tu seras inévitable. Incontournable.

Et déjà je me nourris de ces autres qui veulent, à leur façon, saluer ton départ. Les mots sont forts, évidemment. A la hauteur du drame qui se joue quand quelqu’un de ta trempe tire sa révérence. Les citations fusent de toutes parts. J’apprends donc que tu avais aussi ce talent là en toi, celui de dire les choses joliment. Je ne le savais pas. Les rappels historiques déboulent partout dans les médias. On te résume en dates, en actes, en combats. Tu sais, elle est jolie, l’image qu’ils donnent de toi. Si d’où tu es tu peux le voir, et si d’avoir trouvé le repos te permet d’avoir l’énergie de t’en délecter, j’imagine que tu es fier de tout ça. De tout ce qu’ils disent à ton sujet, de tous ces honneurs  dont ils t’entourent.

Parmi eux tu sais, il y a quelques personnes comme moi. Je ne peux qu’avouer mon ignorance à ton sujet. Bien sûr, l’école et la vie m’ont quelques fois amenée à en apprendre un peu sur toi. Mais je n’ai pas la conscience politique ni la culture historique qui me permettraient de faire l’apologie de l’homme que tu as été. Ce n’est pas très grave, d’autres le feront très bien, et je ne suis pas de ceux qui iront fouiller les limbes de l’Internet pour dégoter quelque fait marquant qu’ils pourraient mettre en avant pour te rendre hommage. Et pour par là même participer à l’ampleur de la déferlante qui s’abat partout autour de nous, pour en être partie prenante. Je ne sais pas faire ça, je ne m’y reconnaitrais pas.

Alors mes mots seront limités à ce que je maîtrise le mieux : ce qui se passe à l’intérieur de moi ce matin en lisant tout ce qu’ils ont à écrire, en entendant tout ce qu’ils ont à dire.

A ces superlatifs qu’ils emploient, à ces adjectifs qu’ils répètent, à la douleur qu’ils expriment, aux mots de toi qu’ils reprennent, aux hommages qu’ils prévoient, aux anecdotes qu’ils racontent, au tragique qu’ils évoquent, au destin qu’ils incriminent, à leurs vœux de te voir reposer en paix à jamais, au passé qui leur manque déjà, au futur vide de toi qu’ils déplorent… à tout ça et à tant d’autres choses encore, je sens l’émotion palpable suscitée par ta mort. Tu laisses derrière toi des millions de personnes riches de t’avoir connu au sein de leur monde, fières d’être nées sur une planète qui t’a porté, bénies d’avoir respiré le même air que celui qui t’a fait vivre pendant de si longues années.

Rien que pour ça, je ressens le besoin d’exprimer mon émotion, aussi infime soit-elle au milieu de toute celle que ton départ suscite. Rien que parce que pour tous ces autres qui te pleurent, tu as été grand.

Et puis à un niveau tout à fait personnel, la jeune Terrienne que je suis n’oublie pas que, avant toute autre chose, avant d’être une icône, un modèle, un porte-parole, tu es aussi un homme que la vie a quitté pour de bon. Qui a fermé les yeux pour la toute dernière fois. Comme tant d’autres, chaque jour. Rien que ça, c’est si triste déjà.

© Isa – décembre 2013

mercredi 4 décembre 2013

...à H+39...

39 heures que tu n'as pas dormi. Que tu n'as pas pris le temps de fermer les yeux, vraiment, longuement. Une micro-sieste pendant le déjeuner sur la table de la cafète au milieu de tes collègues, une autre assise contre un mur des toilettes pour hommes au cours de l'après-midi. Voilà les 20 minutes de répit accordées à ton corps.

Tu ne sais pas bien comment tu as pu abattre tout ce travail aujourd'hui. Sourire à ces gens, répondre à ces agresseurs. Monter la côte de la mort qui te sépare de ton train, affronter la rudesse et le froid des transports.

Tu te fais peur quand tu fais tout ça alors que tu ne penses pas avoir l'énergie pour. Parce que ça veut dire qu'il y a un pilote automatique en toi, qui sait aller au-delà de tes limites, que tu le veuilles ou non. Là, tes yeux te piquent, tes bras tremblent sous l'effet du froid et de la fatigue, mais tu luttes encore. Presque malgré toi.

T'es dans un état second quand tu vis comme ça. Tu ne vois presque rien de ce qui passe dans ton champ de vision. Des ombres seulement. Qui ne te font même pas peur, à toi qui crains même le bruit de tes propres pas parfois. Tu n'entends rien non plus, tout est coton dans tes oreilles. Tu ne prends même pas la peine de te bercer du son de la télévision, tu te laisses plutôt porter par le calme ambiant. Tu lis les mots des autres mais tu ne comprends pas tout. Tu voudrais leur poser 1000 questions, mais tu sais bien que tu ne maîtrises pas tout à fait ta communication et que tu pourrais heurter. Tu préfèreras donc garder tout ça pour quand tu redeviendras toi.

Tes sens et ta mémoire sont à fleur de peau quand ton corps n'a plus l'énergie de les enrober du manteau lourd du subconscient. Il te revient des bribes de conversations passées. Il te revient des sourires que tu avais oubliés, la douleur infusée dans certaines paroles échangées. Il te revient des promesses de rencontres prochaines. Mais tu ne sais plus bien si tu es encore ancrée dans une réalité ou si ton esprit embrumé d'épuisement t'envoie des souvenirs qui ne sont pas les tiens. Il te faudrait demander à ces autres si tu as imaginé, mais tu préfèreras toujours attendre que d'eux-mêmes ils manifestent le moindre signe te confirmant ou non ce qui flâne là dans un coin de ton cerveau fatigué.

Pour calmer cette attente, la seule solution sera de fermer les yeux et de clore cette journée qui en a dévoré deux. Mais pas maintenant, pas déjà. Tu veux profiter encore un peu de n'être pas tout à fait toi. Tu l'aimes bien, la nana que tes miroirs te renvoient... Tu l'aimes bien... quand elle ne te ressemble pas.

© Isa - décembre 2013

mardi 3 décembre 2013

...dans ma boucle...

Point de non-retour atteint. La dernière seconde écoulée est bien plus loin que tous les futurs possibles, elle n'est déjà plus à portée de main. Le temps, cette voie à sens unique, ne te permettra jamais de revenir sur les événements d'avant. Ce que tu as déjà fait, ce que tu as manqué, ce que tu n'as pas su dire, tout est derrière toi maintenant. Tombé dans les limbes d'une dimension à jamais disparue. Ça s'appelle le passé, et c'est non négociable. Irrattrapable.

Les plus sages, les plus forts, s'appuient sur ce constat pour ne pas perdre une miette de ce qui leur reste à vivre. Ils se nourrissent des échecs d'hier, de tous les actes manqués, de tout ce qui a pu leur échapper, pour ne pas reproduire. Pour ne pas demain se mordre les doigts de ne pas avoir fait, dit, pris ce qu'il y avait à prendre. Forts des premières fois où ils se sont entendus dire des "si j'avais su" mêlés de "j'aurais dû" qui leur ont mis en bouche l'amertume du regret, ils tentent à chaque instant de ne plus jamais avoir à affronter cette vile sensation. Ils croquent la vie, osent, se dépassent. Font, disent, prennent ce qu'il y a à prendre.

Toi, tu les admires un peu pour ça. Tu les regardes de loin, envieuse, rêveuse. Tu penses à toutes les erreurs commises par manque de courage, à toutes les occasions ratées, et à toutes les conclusions que tu n'en as jamais tirées.

Parce que pour toi, le temps n'est pas une ligne. C'est une boucle qui se répète à l'infini, dans laquelle tu tournes encore et encore, sans apprendre, sans grandir, sans avancer. Tu fais ou ne fais pas, puis tu regrettes d'avoir fait ou de ne pas avoir fait, mais qu'importe que la tristesse et le regret s'emparent de toi, tu renouvelleras demain, encore. Tu voudrais toi aussi être en capacité de t'améliorer au fil de l'eau, d'apprendre d'hier pour mieux profiter d'aujourd'hui, pour mieux anticiper demain. Mais la boucle est là, elle t'enferme dans des redites, du déjà-vu, et tu mangeras encore la même poussière que celle à laquelle tu t'étais fait la promesse de ne plus jamais goûter.

Tu te tromperas encore, toujours sur les mêmes thèmes, toujours à propos des mêmes personnes. Tu commettras l'exploit d'avoir, gravé là sur tout ton corps, les séquelles de ton passé et de, malgré ça, te brûler aux mêmes feux, tomber dans les mêmes trous, buter sur les mêmes coins de porte. Tu n'apprends pas, tu ne retiens rien, toi qui pourtant gardes la trace des douleurs avec la mémoire d'une intelligence artificielle infaillible. Toi qui sais mieux que personne que le mal t'est insupportable, intolérable, insurmontable. Tu te brûleras, tomberas, buteras. Encore et encore.

Tu ne sens même plus la fatigue des débuts, quand tes douleurs répétées t'épuisaient de ne pas savoir briser le cercle maudit. Tu es maintenant entrée dans la phase où tu es blasée, défaite, fataliste.

Tu attends le prochain feu, le prochain trou, le prochain coin de porte. Pour te brûler, tomber, buter. Encore et encore.

© Isa - décembre 2013

lundi 2 décembre 2013

...à l'aube d'une journée importante...

Te réveiller avant que l'alarme ne sonne, c'était à prévoir.
Il est tôt, il fait nuit encore, tout est noir et silence. 

Tu cherches en toi les signes premiers du stress mais tu ne les trouves pas encore. A part ce réveil matinal, très, trop, rien d'autre ne trahit ce qui va se dérouler aujourd'hui.

Tu sais pourtant que c'est important, qu'il va falloir que tu te vendes, que tu mettes en avant tes qualités, que tu rassures sur tes défauts, et l'exercice t'a toujours été difficile, à la limite du supportable même. Mais pour le moment, il n'y a que le calme de la nuit, ce café chaud, cette cigarette qui se consume seule, et tes doigts qui pianotent sur le clavier par habitude...

Quoique. Venir écrire ces mots avant même que l'aube n'envisage de se montrer est déjà un aveu de ton besoin de soutien. Tu voudrais qu'ils pensent à toi tous, en cette fin de matinée où tout se joue, qu'ils t'envoient leurs bonnes ondes, qu'ils croisent un peu les doigts. Tu sais bien que ça ne changera pas grand chose à la tournure que vont prendre les choses, mais pour toi ça compte. Si tu pouvais y aller forte de leurs pensées positives, ça t'aiderait. Un peu.

Tu as encore tant à faire... Trouver la tenue, préparer les documents, puis foncer vers ce rendez-vous que tu n'attendais pas, que tu n'es pas sûre d'avoir la force d'affronter, mais il est déjà trop tard pour reculer.

Alors tu viens poser ces quelques mots ici, tu les partageras avec tes deux mondes, celui où tes amis, ta famille te lisent et te balancent de façon brute tout le courage dont tu manques parfois et celui où ces inconnus, ces ombres, ont parfois la capacité à t'envoyer quelques trèfles à 4 feuilles aussi virtuels que bienveillants.

Pense à moi à 11h.

© Isa - décembre 2013

dimanche 1 décembre 2013

...quelque part au milieu de Twitter...

T'as commencé un pamphlet que tu ne parviens pas à terminer. Et tu sais très bien pourquoi.

Comme d'habitude, t'as une trouille bleue de l'impact que tes mots vont avoir sur eux là, ceux sur qui tu mises en ce moment, parce que tous autant qu'ils sont ils t'apportent un truc dont tu ne soupçonnais même pas avoir besoin.

Et pourtant.

A cette joie qui infuse dans tes veines quand certains d'entre eux sont interpellés par ce que tu as à dire, à la hâte que tu as de leur donner un peu plus de toi même, à ton impatience mêlée de peur que tu as de les rencontrer, en vrai, pour voir, tu te rends bien compte qu'ils commencent à prendre de la place.

Parce que parmi eux, tu te montres. Délivrée du regard désapprobateur des personnes qui te connaissent, tu te donnes telle que tu en as envie à celles qui te devinent. Ces personnes qui en quelques clics te chatouillent de leurs attentions, te font te sentir présente quelque part. Au milieu d'une communauté.

Alors bien sûr tu as conscience des multiples artifices et des codes alambiqués et des limites de ce monde virtuel. Tu as souvent décrié tout ça. Tu t'en es offusquée, tu as voulu le fuir.

Mais ce sentiment d'appartenance là, et toutes vos habitudes communes, ça coule comme du miel dans ta gorge et tu ne peux plus t'en passer.

Tu ne veux plus faire marche arrière. Ça voudrait dire abandonner les jolis mots de ces blogueuses dont la sensibilité t'émeut. Ça voudrait dire renoncer à cette complicité avec celui qui habille ta vie de si jolies couleurs. Ça voudrait dire faire une croix sur les secrets partagés au détour d'un tweet qu'aucun autre n'aura vu. Ça voudrait dire arrêter de t'indigner avec celui qui est si doué pour le faire. Ça voudrait dire ne plus jamais revoir ceux qui ont IRL-isé ces rencontres virtuelles. Ça voudrait dire ne pas découvrir les autres. 

Et quand t'imagines tout ça, ta vie sans tout ça, ta tête se met à tourner. Vite, fort. Putain, c'est pas creux. C'est pas si creux que ce que les gens en dehors de nous semblent penser. Il y a quelque chose ici. Quelque chose qui se passe.

Tu n'y renonceras pas.

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Si tu te reconnais dans l'avant dernier paragraphe, y a de fortes chances que c'est parce que je parle vraiment de toi. Ne te rends pas parano, demande si tu veux être fixé. Je ne mords pas.
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© Isa - décembre 2013

jeudi 28 novembre 2013

...avare de mots...

Tout a été remis à niveau, le carburant, l'eau, l'huile, tout ce qu'il faut pour que la machine fonctionne. Y a un truc qui s'est passé, un déclic, une prise de conscience. Quelque chose que tu n'attendais pas, que tu n'attendais plus, qui te pousse, t'électrise, t'énergise. Y a tout qui bouge à l'intérieur, ton cœur qui bat fort, tes intestins qui dansent la gigue, tes guiboles qui tremblotent mais te supportent avec vigueur. Tu es dans cet état de grâce qui te permet d'avancer, de décider, de gravir une montagne puis la redescendre et y remonter de nouveau juste pour te prouver que tu peux le faire. Qu'il y a en toi tout le jus nécessaire.

Alors t'y vas, tu fonces, tu dis oui à cette possibilité qui t'est offerte, tu sais qu'il y a des risques, il y en a beaucoup, il y en a toujours, mais tu ne veux pas regretter de ne pas avoir essayé, tu préfères faire le pari un peu fou que quelles qu'en seront les conséquences tu sortiras de là grandie. Soulagée de ne pas être passée à côté. Fière d'avoir tenté.

Et puis tu dis merde aux détracteurs, à ceux qui veulent t'immobiliser, qui te rappellent tes échecs passés, comme pour te paralyser. A ceux qui n'y croient pas, qui ne partagent en rien la vision optimiste de certains autres, qui insistent en te montrant que "tu le vois bien, quand même, que ce putain de verre il est à moitié vide, non ?!". T'entends bien ce qu'ils te disent, et ça te parle évidemment, parce que toi aussi tu t'es dit ça 100 fois. Mais cette fois tu décides de ne pas y accorder d'importance, t'envoies valser, tu passes au-dessus. Bien plus haut.

Tout là haut, c'est là que t'emmènent ceux qui croient en toi. A eux, c'est "merci" que tu dis. Ceux qui te parlent de ton potentiel, ceux qui te rappellent que t'as ça dans les gênes, que t'es une survivante hein, que t'en as déjà bien bavé avant, et que t'en baveras encore, surtout si tu oses, si tu prends des risques, si tu t'autorises à vivre. Ceux-là même qui te poussent à te surpasser, à donner de ta personne, parce qu'ils savent que t'as de la ressource, que t'en as sous le pied. Ceux-là qui, également, te promettent de toute leur plus belle sincérité qu'en cas d'échec ils seront là, ils panseront les plaies, ils regonfleront le moral jusqu'à ce qu'il soit à bloc. Ceux-là qui t'assurent que si ça ne marche pas, ils t'entoureront quand même de toute leur fierté et trouveront les mots pour te réconforter.

Tu vois, aujourd'hui, ça tient en trois mots : OUI. MERDE. MERCI.

© Isa - novembre 2013

mercredi 27 novembre 2013

...en plein questionnement fashion (girly inside)...

Une fois n'est pas coutume, je ferme mon clapet et je te laisse en images. Merci de me dire quoi t'en penses. (Cette étrange tournure de phrase est assumée).
(Cependant tu es prié de ne pas faire de commentaire sur le visage en gros plan car ça je ne peux pas le changer & puis je me vexe facilement)(Je la mets juste pour que tu voies l'accessoire)(Merci).
(Pour les Twittos : cet article ne se RT pas évidemment)(Dès fois que vous en auriez eu bizarrement envie)(Pour faire rire les copains ou truc du genre).
(Pour les non-Twittos : je teste ma tenue pour le repas de Noël au bureau)(Dress-code : robe noire/talons/accessoire rouge).
(Finalement j'ai pas mal parlé)(Pardon)(Déformation bloguesque).











© Isa - novembre 2013

...un tout petit peu à fleur de peau...

Un rien m'enflamme. Ou me refroidit. C'est selon.

Je la sens venir, la période de sensibilité extrême où chacun de tes mots va m'impacter très fort. Dieu que c'est épuisant d'être dans mes pompes. Plus qu'épuisant, migrainant. Ras-le-bol-ant. 

Je le sais bien pourtant, que la communication écrite omet bien des choses pourtant essentielles à la bonne compréhension de ton message. Je n'ai pas le son de ta voix, ni son ton, alors je n'entends pas ton second degré, ton ironie ; je n'ai pas l'image, alors je ne vois pas ton sourire moqueur mais bienveillant, rassurant ; je n'ai pas la présence, alors je ne sens pas l'onde de chaleur que ton attitude dégage. Tu vois, je sais tout ça, et je sais en conclure que tout ce que tu m'envoies est forcément biaisé, tronqué, qu'il me manque tout un tas d'informations que tes simples mots ne peuvent pas me donner.

Et pourtant, je m'enflamme. Je cherche ce que tu ne dis pas dans tes points de suspension, je m'interroge d'une absence de smiley, je me vexe d'un point d'exclamation, je crains tes majuscules, je décortique tes virgules, je m'apostrophe de toute ta ponctuation. Je te lis, te relis, vérifie encore une fois, je fouille pratiquement dans chaque lettre pour y trouver un petit signe, ne serait-ce qu'une cédille, un accent oublié, une faute qui prouverait que tu as écrit distraitement, ou un bon mot qui montrerait au contraire que tu as pris le temps. Je vais compter les secondes qui s'égrènent entre chaque tiret de nos dialogues et les regarder s'écouler au ralenti. Un peu comme on attend cette balle qui met si longtemps à rebondir et dont on ne parvient pas à anticiper la trajectoire...
Je vais tenter de relativiser le premier impact que tes mots auront eu sur moi, calmer la réaction épidermique qui en découle, choisir de me détacher de l'émotion première, te répondre en conséquence, posément, avec recul, mais j'y reviendrai vite, à cette émotion première, parce qu'elle aura pris soin de se cacher quelque part en moi pour ne pas que je puisse totalement l'évacuer. Puis elle va se répandre, se diffuser partout, éveiller ma paranoïa, me faire regretter la façon dont je t'ai répondu, si loin, tellement loin de ce que tu m'as réellement inspiré, tellement fausse du coup, tellement peu moi.

Alors je vais chercher un moyen de renouer le lien, de retrouver une place, mais la vraie cette fois, redevenir moi dans tes yeux, ne pas me cacher derrière ce que je peux imaginer de ce que tu voulais dire, derrière ce que je pensais devoir écrire, mais être vraiment moi, celle que tu connais, celle qui ne te ment pas, celle qui attire ton attention uniquement quand elle se montre telle qu'elle est réellement et que tu rejettes un peu, souvent, quand elle dévie de tout ça.

Je sais bien que parfois, tu ne choisis ni tes mots, ni tes points, qu'ils te viennent sans que tu ne soupèses leur poids au gramme près, que tu les laisses sortir de toi sans les mesurer avec exactitude, et qu'ils ne veulent pas dire grand chose de plus que ce qu'ils disent réellement. Je sais bien qu'il n'y a pas toujours un sens caché à déceler entre les lignes, qu'il faut parfois juste prendre, sans aucune analyse, sans intellectualiser, sans conceptualiser. Je sais parfaitement tout ça quand je rationalise et que je me pose pour y réfléchir.

Mais ça n'enlèvera pas ces quelques secondes qui suivent la diffusion de ton message et qui sont le terrain de dizaines d'interrogations hébétées et douloureuses qui se bousculent en moi, chamboulant tout sur leur passage, y compris mes certitudes sur l'intérêt que je peux éveiller en toi.

© Isa - novembre 2013

mardi 26 novembre 2013

...face à un choix à faire...

Il y a un poste à prendre, un poste que j'ai longtemps voulu et qu'on ne m'a jamais donné.
Ce n'était jamais de ma faute, "vous avez toutes les qualités requises, c'est évident, mais Bidule les a encore un peu plus que vous", 5 fois au moins.

Du coup, j'ai arrêté d'y croire, arrêté d'espérer.
De toute façon, aucune opportunité n'allait se présenter de sitôt, c'était écrit comme cela.

Alors moi pour oublier, pour compenser, je me suis investie dans d'autres choses, des missions parallèles qui égayent ma routine et un coaching professionnel pour envisager un changement de carrière à 180 degrés. Tout ça me demandait beaucoup de travail, de l'investissement, de l'introspection, mais ça m'allait.

Et il y a 8 jours, le mail du Boss qui tombe : il crée un nouveau poste.

Je suis tellement partagée...

Entre ne pas postuler et me satisfaire de mes nouveaux à-côtés, continuer à travailler sur le changement de cap total. Prendre le risque de regretter de ne pas avoir saisi ma chance, parce que peut-être que là, cela aurait marché.

Ou envoyer cette candidature qui mène à deux finalités possibles. La première, c'est être prise, enfin. Mais ai-je encore envie de ce poste-là, alors qu'ils ont bien œuvré à m'en dégoûter, alors que j'envisage ailleurs autre chose bien que rien ne soit acquis dans cette autre direction non plus, alors que mes nouvelles responsabilités exigent de moi une grande disponibilité que je ne suis plus sûre d'avoir après ? La deuxième, échouer, encore ! Alors même que je ne suis même pas sûre d'avoir envie de réussir, l'échec serait impossible à supporter, il pourrait m'enfoncer dans mes côtés sombres, me faire de nouveau perdre le goût de tout, de l'effort, de la constance, de ma dignité aussi, un peu. Postuler c'est prendre le risque de n'être satisfaite d'aucune des deux fins possibles.

La deadline, c'est jeudi. D'ici là, je suis toute en doutes, en hésitations, en listes de pour et de contre. Beaucoup me poussent à le faire, ils comprennent pourtant, mais ils n'envisagent que ma réussite, cette fois... "Je le sens, c'est pour toi, c'est le bon moment" qu'ils me disent.

Et moi je ne sais pas.

Voilà, pardon pour cet article qui n'est ni drôle ni subtil ni fédérateur ni divertissant. Mais il fallait bien que ça sorte hein, parce qu'ici on parle de ce que je suis aussi, et là tout de suite je suis aussi et surtout face à ça.

© Isa - novembre 2013