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lundi 11 août 2014

Grandir avec toi

Voilà, j’y viens, j’y suis. Je me pose au milieu de ce plateau désert, éclairé par la lumière incroyable de ce matin d’août, bercé d’un silence inhabituel, j’allume l’écran, vite, j’ai presque couru pour arriver jusque là tu sais, je suis presque essoufflée même, mais il me fallait y être, là devant cette page blanche, il me fallait vite retrouver un espace d’expression qui me permette de sortir de moi tout ce qu’il peut y avoir de toi.

Un peu de rock dans les oreilles, un café qui fume à côté du clavier, et moi qui en suis à ignorer la lumière verte qui clignote pour me dire que de l’autre côté on entre en contact avec le personnage public que je suis devenue, comme nous tous d’ailleurs sur ce réseau social qui nous a faits nous rencontrer, je les ignore je n’ai pas le choix, j’aime leur présence permanente et rassurante et surprenante mais c’est de nous deux dont j’ai envie là tout de suite, c’est dans nous deux que j’ai besoin de plonger quelques instants. Il sera encore temps de les retrouver après.

Ils me connaissent pourtant, certains d’entre eux m’apprécient même, ils suivent un peu les aventures que je veux bien partager avec eux, alors même qu’ils n’ont aucune idée de la part de vrai qu’il peut y avoir à l’intérieur, ils me connaissent dans tout ce qu’il y a de social en moi, d’avouable ou d’inventable, ils me connaissent dans ce que je veux bien donner et dans ce que j’aime simuler, ils me connaissent comme on regarde de loin une forme un peu vague et floue dont on ne saura jamais vraiment délimiter les contours.

Ils sont du coup à mille lieues de deviner celle que toi tu connais, celle qui oublie cette foutue course à la popularité et à la gloire quand elle se retrouve face à toi, celle qui se contente d’être particulière à tes yeux parce que c’est tellement plus important que toutes ces chimères et ces faussetés, c’est tellement plus vrai et tangible aussi, c’est ta chaleur qui se diffuse jusqu’à moi quand on est assis autour d’une même table et qu’on fait trinquer nos verres, c’est notre amitié qui mûrit parce que malgré les quelques sursauts de stupidité on a décidé qu’on continuerait à la nourrir.

Ils ne savent pas vraiment comment je peux être dans l’intimité, quand j’ai besoin de regards bien plus que de mots, quand la lumière verte ne suffit pas et que tes yeux prennent le relais, quand la valse des compteurs qui s’affolent ne compte plus vraiment et qu’elle pourrait même s’arrêter tant l’essentiel est ailleurs, dans ta main qui se pose sur la mienne avec douceur, un contact fugace, l’échange est fébrile et inattendu, et vite tes doigts se retirent par peur d’envoyer des messages difficiles à interpréter, et vite tu détournes le regard pour ne pas que j’aie le temps d’y voir des sentiments que je ne saurais pas vraiment qualifier, et vite nous redevenons deux êtres pudiques et insouciants, vite nous redevenons deux enfants qui aiment à jouer ensemble, vite nous repoussons le moment fatidique où il nous faudra nous parler de nous comme des adultes.

Alors on en est là, à se chercher pendant nos absences, à se retrouver par tous les moyens, parfois ici et souvent là, parfois c’est toi qui viens et parfois quand j’ose c’est moi, et puis ça y est on est enfin de nouveau ensemble, alors on rit et on pleure et on se taquine et on se réconforte, surnom contre surnom, sourire contre sourire, j’aime ça tu sais quand on se cherche et qu’on se trouve, j’aime tellement ça que j’en viens parfois à te laisser pour être sûre d’avoir à un moment l’occasion de devoir lutter un peu pour te retrouver, le paradoxe est là, partir pour mieux revenir, et s’il me faut être honnête, partir aussi pour créer le manque en toi, pour que tu aies ce goût de reviens-y, pour que tu te demandes où j’en suis jusqu’à ne plus supporter de ne pas savoir, pour que tu arrives à moi curieux de tout, impatient de l’impact, désireux de contact.

Elle est jolie cette relation, elle me fait peur dans certains de ses penchants qu’on ne maîtrise pas tout à fait, mais je sens toute sa potentialité, je sens qu’elle a éclos et que bien que fragile elle va grandir encore, elle va finir par tenir debout bien droite et on oubliera alors tous les moments où elle était bancale, instable et incertaine, on oubliera qu’elle a été tremblante et hésitante, on va finir par en toucher la quintessence et par la voir se diffuser, on va finir par n’avoir que le bon et le solide et le durable, il nous faut être patients un peu, il nous faut juste le décider, ça en vaudra la peine tu verras, allez viens avec moi.

© Isa – août 2014

samedi 9 août 2014

Viens, vite...

Viens, vite, entre et assieds-toi, mets-toi juste là en face de moi, fermons vite la porte et les fenêtres et les volets, coupons-nous du monde, il ne faut plus que nous.

Viens, vite, débarrasse-toi du manteau lourd de tes peines, pose-le sur mes genoux et laisse ta main sur ma cuisse, à nous deux on pourra en supporter le poids, la force de mes jambes et l'amour dans tes doigts, à nous deux on pourra les écumer peu à peu, on aura la force qu'il faut, l'énergie circule et peut nous faire soulever des montagnes, à nous deux tu n'as plus besoin de chercher à oublier puisque je n'ai plus besoin de chercher à fuir.

Viens, vite, accroche ton regard au mien, laisse-moi remplir mes yeux de tes sourires, berçons-nous de mots et de ces mélodies dont nous partageons l'amour, le son de ta voix en réponse à la mienne, fais-toi le ping de mes pong, deviens Yin de mon Yang, tu es déjà mon double mais je te veux comme moitié, et si nous fusionnions, et si nous nous fondions, et si tu restais toi et que je restais moi mais que nous devenions nous ?

Viens, vite, nourris-moi de tes rires et de tes futilités, ne parlons de rien comme nous parlerions de tout, parlons d'hier et de demain, on mélange on s'en fout, parlons de maintenant qui n'appartient qu'à nous...

Viens, vite, il est temps d'oublier que dehors il fait sombre, laissons la nuit tomber, laissons le ciel pleurer au milieu des étoiles, tu es à la maison maintenant, à l'abri des autres et du mal qu'ils se font, tu es avec moi maintenant, avec nous, ici il ne fait nuit que quand on le décide, nous sommes les faiseurs de temps et les chasseurs de nuages, ici le monde n'est qu'à nous, ici il ne ressemble qu'à nous.

Viens, vite, quand tu n'es pas encore là les murs résonnent de ton absence, les bruits se font écho de tes silences, il me faut ta voix pour remplir le vide, il me faut me retrouver dans ton aura, me réchauffer les mains à la moiteur qui s'installe en même temps que toi, il me faut retrouver celle que je n'ose être que parce que tu la couves de ton regard.

Viens, vite, j'ai froid et j'ai le mal de toi, je ne suis que manque et faim et soupirs, je ne suis que le plus mauvais quart de moi-même, l'ombre et la mélancolie, la frustration et le côté noir de ma folie, je ne suis que vide et perdue, seule et déchue, quand tu n'es pas encore là je ne suis pas encore moi.

Viens, vite, mon amour, je me languis, je t'attends et te réclame, je veux partager ton air et ton monde et tes rêves, je veux juste toi à côté de moi, je veux juste nous deux qui grandissons ensemble.

Viens, vite... il y a ta place qui t'attend là, elle t'a attendu des heures, elle t'attendra des mois, mais viens, vite, c'est ici et aujourd'hui que je ne peux plus vivre sans toi.

© Isa – août 2014

dimanche 3 août 2014

De l'autre côté

Je sais que tu as peur. Je te devine tremblant et presque frigorifié. Je t'imagine hésitant, comme un peu égaré.

Je voudrais tant pouvoir te rassurer. Te promettre que tout va bien se passer. Te donner une vision claire de ce qui t'attend au bout du chemin, et de tous les obstacles à surmonter pour espérer un jour y arriver. Je voudrais te prévenir de chacun des dangers, te prédire que tous tes rêves vont devenir réalité, que tous tes sacrifices en vaudront la peine. Je voudrais te prendre la main pour t'aider à traverser, la serrer fort dans la mienne quand tu auras envie de tout lâcher, la poser sur mon cœur pour que tu saches que le tien n'est pas le seul à s'emballer. Je voudrais mettre un peu de ma voix dans tes oreilles, pour t'encourager avec fermeté parfois, pour te murmurer ma tendresse souvent. Je voudrais coudre des ailes à la peau de ton dos, te regarder t'envoler, inspirer fort pour t'aider à te rapprocher. Je voudrais te coller un sourire aux lèvres, l'un de ceux qu'on ne peut pas retenir, dont on ne peut contrôler l'intensité, l'un de ceux qui affichent sans pudeur le courage et l'énergie qu'on s'apprête à déployer.

Je voudrais, tu vois.
Mais je ne le ferai pas.

Il est des moments où c'est à toi seul de prendre tes décisions, de trouver la force de les vivre et de les assumer. Il est des choix qui n'appartiennent qu'à toi, que tu ne peux faire que seul, dans lesquels je n'ai pas le droit d'interférer.

D'ailleurs, comment pourrais-je ?
Alors que moi-même je suis de l'autre côté de cette route que tu vas peut-être emprunter ? Alors que j'ai moi aussi à me demander si je vais, si je veux, si je dois, te retrouver au milieu de cette longue ligne qui nous sépare encore ? Alors que je dois gérer mes propres craintes, le trouble qui m'envahit, le mélange subtil entre attrait de l'inconnu et peur du vide à l'arrivée ? Alors que mes jambes ne me portent plus, que mes ailes à moi peinent à sortir de mon corps, que mon ventre me brûle d'un désir irraisonné ?
Comment pourrais-je te porter sans peur de te faire tomber alors que je ne maîtrise plus la moiteur de mes mains, alors que mes doigts tremblent, alors que mes bras se font guimauves ?
Et au nom de quelle mystérieuse et hypothétique conjoncture céleste à la faveur de laquelle notre histoire connaîtrait un dénouement heureux, aurais-je le droit de te supplier d'y croire, de te promettre l'incertain, de te jurer que chacune des chutes comme chacun des pièges sera un jour balayée par la force de nos deux êtres enfin réunis ?
D'où me viendrait cette certitude inébranlable, si ce n'est d'un rêve encore flou que nos deux énergies sont faites pour être mélangées, si ce n'est d'un désir encore trouble de continuer le reste du chemin à tes côtés ?

L'amour commence toujours par la peur de le laisser arriver. Toujours par une paralysie qu'on aura choisi de surmonter. Toujours par un doute que chacun des deux protagonistes aura décidé d'ignorer.

Je suis de l'autre côté, tu sais.
Je suis là à ne pas savoir si au bout, tu t'apprêtes à te mettre en marche pour me retrouver ou si tu es déjà en train de reculer.

Moi, j'ai déjà commencé à avancer.

© Isa – août 2014