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mercredi 4 décembre 2013

...à H+39...

39 heures que tu n'as pas dormi. Que tu n'as pas pris le temps de fermer les yeux, vraiment, longuement. Une micro-sieste pendant le déjeuner sur la table de la cafète au milieu de tes collègues, une autre assise contre un mur des toilettes pour hommes au cours de l'après-midi. Voilà les 20 minutes de répit accordées à ton corps.

Tu ne sais pas bien comment tu as pu abattre tout ce travail aujourd'hui. Sourire à ces gens, répondre à ces agresseurs. Monter la côte de la mort qui te sépare de ton train, affronter la rudesse et le froid des transports.

Tu te fais peur quand tu fais tout ça alors que tu ne penses pas avoir l'énergie pour. Parce que ça veut dire qu'il y a un pilote automatique en toi, qui sait aller au-delà de tes limites, que tu le veuilles ou non. Là, tes yeux te piquent, tes bras tremblent sous l'effet du froid et de la fatigue, mais tu luttes encore. Presque malgré toi.

T'es dans un état second quand tu vis comme ça. Tu ne vois presque rien de ce qui passe dans ton champ de vision. Des ombres seulement. Qui ne te font même pas peur, à toi qui crains même le bruit de tes propres pas parfois. Tu n'entends rien non plus, tout est coton dans tes oreilles. Tu ne prends même pas la peine de te bercer du son de la télévision, tu te laisses plutôt porter par le calme ambiant. Tu lis les mots des autres mais tu ne comprends pas tout. Tu voudrais leur poser 1000 questions, mais tu sais bien que tu ne maîtrises pas tout à fait ta communication et que tu pourrais heurter. Tu préfèreras donc garder tout ça pour quand tu redeviendras toi.

Tes sens et ta mémoire sont à fleur de peau quand ton corps n'a plus l'énergie de les enrober du manteau lourd du subconscient. Il te revient des bribes de conversations passées. Il te revient des sourires que tu avais oubliés, la douleur infusée dans certaines paroles échangées. Il te revient des promesses de rencontres prochaines. Mais tu ne sais plus bien si tu es encore ancrée dans une réalité ou si ton esprit embrumé d'épuisement t'envoie des souvenirs qui ne sont pas les tiens. Il te faudrait demander à ces autres si tu as imaginé, mais tu préfèreras toujours attendre que d'eux-mêmes ils manifestent le moindre signe te confirmant ou non ce qui flâne là dans un coin de ton cerveau fatigué.

Pour calmer cette attente, la seule solution sera de fermer les yeux et de clore cette journée qui en a dévoré deux. Mais pas maintenant, pas déjà. Tu veux profiter encore un peu de n'être pas tout à fait toi. Tu l'aimes bien, la nana que tes miroirs te renvoient... Tu l'aimes bien... quand elle ne te ressemble pas.

© Isa - décembre 2013

2 commentaires:

  1. Excellent cette impression que procure le manque de sommeil, n'est-ce pas? On se sent flotter, on se croit invincible, on ne sent plus la fatigue et on croit que rien ne nous arrêtera. C'est enivrant. Mais attention, c'est aussi le prélude au burn out... (qui n'est pas une légende !)
    Cette manière percutante que tu as de trouver les mots pour exprimer les sentiments est assez surprenante...
    @frenchwayfarer

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    1. C'est effectivement grisant. Je suis tellement surprise d'avoir ressenti ça. Et de vouloir encore l'expérimenter... étrange. Un prélude au burn-out ? Je devrais me méfier alors. Je tombe facilement dans ce genre de choses. Ta dernière phrase me fait sourire. "Surprenant" n'étant pas un compliment, je m'interroge. Je vais me baser sur le "percutant" pour garder une impression positive, du coup. À bientôt. Merci pour ton passage.

      *Commentaire initialement posté le 5/12/13 à 19h40*

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