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dimanche 13 novembre 2016

L'espace-temps

Il reste peu de temps, quelques années, quelques mois, quelques heures, une fraction de seconde peut-être, il reste peu de temps pour dévorer, pour construire, pour parcourir, peu de temps pour l'espoir, pour la folie, pour l'amour, il reste bien trop peu de temps et encore tant à voir, tant à faire, tant à partager, il reste peu de temps mais encore trop d'hésitations, trop de doutes, trop de craintes, et les obstacles, ah ces obstacles, il reste peu de temps et il nous faut l'occuper, le remplir, en faire quelque chose, de grandes choses, de petits riens, il reste peu de temps et j'ai du mal à respirer.

Et le monde est si grand, les forêts, les jardins, les mers et les déserts, les horizons orange, les soleils qui se cachent, ou qui brillent, ou qui brûlent, les cieux qui s'enflamment ou se noient ou s'éteignent, et ce monde est si grand qu'on le devine à peine, qu'on le rêve, qu'on l'imagine, qu'il fait tourner nos têtes de n'être qu'un secret, des milliers de secrets, de n'être qu'une équation qu'on ne saura résoudre, les inconnues sont telles qu'elles nous échappent encore, et encore, et encore, et ce monde est si grand que j'en ai le souffle coupé.

Et il y a tant de gens, ceux qu'on aime, ceux qu'on voudrait connaître, ceux qu'il nous faut détester, parce que la vie, parce que la guerre, ceux dont on voudrait être proches, encore plus proches, il y a tant de gens, ceux qui nous inspirent, ceux qui nous révoltent, ceux qui nous touchent sans le savoir, ceux qui nous manquent, il y a tellement de gens, ceux pour lesquels on veut se battre, ceux qui nous font baisser les armes et les yeux et la tête, ceux devant lesquels on s'efface, on se couche, ceux contre lesquels on se dressera toujours, parce que la vie, parce que la guerre, parce que l'amour, il y a tellement de gens et j'ai peur d'étouffer.

Il reste peu de temps, et le monde est si grand, et il y a tant de gens, je ne sais plus où aimer.

© Isa – 13 novembre 2016