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dimanche 8 décembre 2013

...la tête dans le guidon...

Vas-y, fais comme si de rien n'était. Garde bien la tête dans le guidon hein, t'es douée pour ça maintenant. Fais l'autruche. Pas quand elle court bien sûr, nan, quand elle se planque tu sais. Fais donc ça.

Réveille toi tôt malgré la durée de la soirée d'hier soir, malgré l'ivresse pas tout à fait cuvée et la gueule de bois monumentale que tu vas devoir supporter. Juste parce que les vieux ils font ça, se lever tôt. Et toi, t'es vieille dedans hein. Presque périmée même. A l'aube de la fin quoi.

Prends ton petit cahier de comptes, ta calculatrice et ton stylo, additionne les chiffres pour te soustraire à toutes les pensées irrationnelles. Fais des ratures, c'est mieux sur le cahier que dans ta vraie vie, de toute façon dans ta vraie vie tu peux pas, les gens et les choses que tu voudrais oublier ne s'effacent pas à coup de Tipp-Ex. Ils sont gravés au marqueur indélébile. Vis avec.

Une fois que t'auras tout bien divisé le budget du ménage en multipliant les efforts pour ne pas t'attarder sur ce qui te trotte dans la tête, fais un truc encore plus marrant. T'as de la chance, c'est bientôt Noël, y a plein de trucs à faire. Sors tes listes, tous ces noms dessus, toutes ces choses à acheter ou fabriquer. Tu veux commencer par quoi, ma grande ? T'as l'embarras du choix. Tu peux par exemple te creuser les méninges pour cette belle-famille qui ne t'accepte pas. Ou pleurer de ne pas avoir assez de fric pour gâter ceux qui comptent pour de vrai. T'as vu, c'est chouette, on s'amuse.

Tiens, fais toi un café maintenant. Le troisième. Fais le couler bien chaud sur ta langue encore rougie par le vin, puis dans ta gorge encore douloureuse des 40 clopes que t'as fumées hier. Savoure ce plaisir là, il coûte rien ni à toi ni à personne, et c'est rare les plaisirs gratuits. Profite. Déguste. Peut-être que le liquide brûlant effacera tous les maux du dedans, comme quand la lave se jette jusqu'à la mer et emporte tout sur son passage. T'y crois pas trop je sais, mais essaie quand même. Comme tous les jours. Sur un malentendu, hein...

Tu vois, il est déjà l'heure de sortir le chien, ta matinée s'enchaîne, même pas besoin de forcer, ça coule tout seul. Merveilleux. Allez, dégaine le rituel habituel. Détour par la salle de bains pour vérifier l'image que tu vas renvoyer aux pauvres voisins. Les valises sous les yeux et le crayon noir qui a coulé. Parfait. Passe par la cuisine pour remettre la cafetière à chauffer, elle sera fin prête à ton retour. Au passage, ouvre ta case du calendrier, c'est des Schoko-bons, la journée va être bonne. Troque tes pantoufles contre les baskets qui traînent dans l'entrée, elles sont trop grandes mais on s'en fout. Ascenseur, hall, dehors. La fin de l'automne qui t'enveloppe d'un coup. Comme d'habitude t'es presque pas couverte, justement pour te faire mordre par le froid. Ouais maintenant comme vivre ne te suffit plus pour ça, t'es obligée de trouver des astuces pour te sentir vivante. On fait c'qu'on peut, hein. Avec les moyens du bord.

Remonte maintenant. Chope le café, renferme toi dans ton bureau parmi tous les trucs qui te font croire que t'es importante, tes stylos et tes machins. Mets de la musique. La voix de Jon c'est du réconfort. Ça gomme pas tout mais ça aide un peu. Vas-y, ok, accorde toi encore un peu de répit avant de te mettre au boulot, va traîner sur les Internets pour voir comment le monde se porte. Comme tous les jours, du futile partout, beaucoup. La France a de nouveau choisi le visage de la beauté, les influents rivalisent de vannes pourries sur le sujet, les stars s'offrent de la promo gratuite sur fond d’œuvres caritatives, les influents rivalisent encore.

Tiens, y a de la lumière là, chez celui que t'aimes bien comment il écrit. Vas-y va jeter un œil, ça devrait te plaire. Merde, c'était peut-être pas une bonne idée là tout de suite. Ça pique un peu. Déjà parce que t'aimes pas cette peine que tu sens partout chez lui dès que tu le lis, et puis parce que merde ça te remet dans ton jus quoi. Celui que t'as pris bien soin d'éviter jusque là.

Trop tard ma grande, les vannes sont ouvertes. T'as plus le choix, tu maîtrises plus, ça va sortir.
Écris-leur, maintenant. Y a plus que ça à faire, tu le sais bien.

© Isa – décembre 2013

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