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samedi 7 décembre 2013

...en plein milieu de la cohorte...

Il aura tout de même fallu qu'on te mette cette réalité en pleine face pour que tu t'aperçoives enfin de l'évidence là, sous tes yeux. Il aura fallu qu'un autre te le montre. Qu'il balance ces quelques mots au hasard d'une conversation cachée des autres. "La grande cohorte des écorchés vifs". Ça a tout déclenché.

L'expression a fait son chemin en toi. Tu l'as lue, tu l'as intégrée, puis tu l'as comprise. Et puis tu as fouillé dans toutes les cases, dans toutes les boîtes dans lesquelles tu ranges précieusement ceux et celles dont tu t'entoures. Ceux et celles qui comptent et qui savent. Qui te savent.

Il y a lui qui a longtemps rejeté ce qu'il savait être au fond de lui, pour ne pas décevoir. Qui a dû braver les tabous d'une famille aux préjugés bien ancrés pour pouvoir enfin se réaliser. Il y a elle que ses parents aiment si mal. Qui a dû se construire dans la plus grande misère affective, et qui lutte encore pour espérer y parvenir. Il y a cette autre qui a donné tellement plus que ce qu'elle avait pour venir en soutien à un homme dont l'ingratitude l'a finalement fait fuir. Qui aujourd'hui a appris à aimer différemment, pour ne pas trop souffrir. Il y a lui qui évoque les fantômes du passé qui ont, tous, les traits de cette mère fuyarde et lâche et auto-centrée et malveillante. Qui a maintenant besoin de sortir de lui tous les bouts de verre ancrés dans sa peau ; qui le fait à coups de mots aiguisés comme des couteaux, souvent sous le ton de l'humour pour dissimuler les plaies, mais parfois juste à cru pour montrer combien elles sont encore à vif. Il y a elle dont l'histoire t'échappe encore, mais qui s'enrobe si souvent de mélancolie que tu sais déjà qu'elle aussi a souffert bien plus souvent qu'à son tour. Qui pour cacher ses propres douleurs s'attarde à apaiser les tiennes de sa présence quotidienne. Il y a lui qui s'est battu longtemps contre des démons invisibles, mal connus, et qui aujourd'hui préfère s'attaquer à l'injustice ambiance. Pour ne plus sentir le manque infini de cet enfant qui sera toujours absent. 

Et il y en a quelques autres, et leurs doutes et leurs combats et leurs peines et leurs manques qui résonnent tellement en toi.

Parce qu'au milieu d'eux il y a toi. Toi qui luttes au quotidien contre toutes les pensées sordides, emplies de mélancolie, qui te paralysent parfois.

Toi qui as pile la sensibilité nécessaire, pile le vécu suffisant, pour sentir et reconnaître ceux qui te ressemblent tant, malgré vos différences trompeuses aux yeux des gens. Tous ces malmenés de l'existence, tous ces handicapés de la construction personnelle, tous ces rejetés du bonheur insouciant, tous ceux qui se démènent pour ne jamais couler. Tous ces écorchés vifs.

© Isa – décembre 2013

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Dédié à S., L., P., J., V., S. 
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4 commentaires:

  1. Être écorché vif c'est se livrer, donc offrir. Ce qu'il y a de meilleur, ce qu'il y a de moins bon. Mais c'est déjà être généreux.

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    1. Je suis pas sûre que ceux qui reçoivent nos écorchures le voient comme ça, tu sais.

      *Commentaire initialement posté le 8/12/13 à 11h*

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  2. merci pour ces portraits à demi mots, je reconnais ceux dont tu parles et je les aime... à travers leurs b lessures qu'on aide parfois à panser, c'est nous qui grandissons...

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    1. Ce sont eux aussi qui grandissent, quand des âmes bienveillantes pansent leurs blessures. C'est bon. Merci Venise.

      *Commentaire initialement posté le 8/12/13 à 11h*

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