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jeudi 2 janvier 2014

...en 2014...

C'est l'heure du bilan, il paraît. Tout le monde le fait, c'est la grande mode. Le rendez-vous est annuel, institutionnalisé, il est temps de faire le point sur l'année écoulée et prendre quelques grandes décisions pour les mois à venir. Ou, au moins, définir la direction.

Tu ne sais pas trop si tu es à l'aise avec cette obligation rituelle. D'un côté, évidemment, ça te donne un prétexte tout trouvé pour coucher quelques mots, et écrire te devient si nécessaire que toutes les occasions sont bonnes à prendre. De l'autre, tu t'aperçois que l'introspection, les listes des trucs chouettes et moins chouettes, le choix du cap à tenir, c'est un peu ton lot quotidien depuis quelques mois. Tu ne vois pas bien la valeur ajoutée que tu pourrais y apporter aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit tu te lances, le contexte t'y invite, on est le 2 janvier et il est 5h30 de la nuit, le vent souffle fort dehors en un bruit étonnamment apaisant, presque poétique, et, pas loin, à quelques pas, chacune dans son lit, deux des personnes les plus importantes pour toi dorment à poings fermés. Il n'y a encore une fois que toi et tous les mots qui se bousculent à l'intérieur, et l'envie de les sortir qui te tenaille le ventre depuis déjà 24 heures.

2013 a été belle. 
Il y a eu cet étonnant bouleversement professionnel en fin d'année, les nouvelles casquettes que tu portes depuis peu. Une prise de responsabilités dans ton univers d'élue, une autre dans tes fonctions de gestionnaire. Une fin d'année marquée par la confiance accordée, inattendue, bienfaitrice.
Aujourd'hui tu en es à te demander si tu seras à la hauteur, si tu arriveras à gérer le double défi, si tu pourras être sur les deux fronts sans en négliger un. Il te faudra t'organiser différemment, anticiper, rassurer, multiplier les efforts pour qu'on te sente présente de tous les côtés. Le pari est immense, un peu effrayant, mais tu as tellement attendu qu'on te choisisse que, maintenant que c'est fait, tu en acceptes les conséquences et les assumeras quoi qu'il t'en coûte. Il le faut, tu le dois à ceux qui ont cru en toi, et tu te le dois à toi, te prouver que tu peux, que tu sais, que tu assures. Tu n'accepteras pas vraiment qu'il en soit autrement, tu ne t'en remettrais pas.
Il y a eu la naissance de ton blog, encore petit, encore balbutiant, encore un peu fragile dans son rapport aux autres, parce que tu en attends beaucoup, peut-être un peu trop. Mais il t'a apporté dans les moments de tempête une continuité dans ta liberté d'expression, il est là, territoire de tes mots, de tes douleurs, c'est ton empire, tu l'as bâti à la sueur de ton front, avec tes petites mains abîmées d'adulte pas tout à fait terminée, avec ton besoin de reconnaissance que les autres perçoivent dès les premières lignes qu'ils parcourent, parce qu'ici tu ne te caches pas derrière la carapace qui te caractérise dans la vraie vie, ici tu restes au plus près de tes émotions pour pouvoir les retranscrire fidèlement.
Aujourd'hui tu as compris que cet espace t'est nécessaire, vital, que même lorsque les mots ne font pas écho, même quand personne n'y répond, ils ont au moins toute la place d'être étalés, partagés, ils sortent de toi et c'est bon. Ici le défi est de maintenir le rythme, et la ligne aussi, d'apprendre de tout ce que tu écris, de t'appuyer dessus pour grandir et non plus pour ressasser. Un jour, tout ça sera thérapeutique. Ça l'est déjà un peu, mais c'est encore douloureux. Un jour, tout ça ne te sera que bénéfique.
Il y a eu ces moments si doux avec ceux que tu aimes, tout ce temps passé avec tes soeurs, la complicité, les rires, les câlins, la douceur. Rares pépites que la vie t'envoie parfois, tu sais maintenant à quel point il est précieux d'en profiter dès que possible, de t'en nourrir, de puiser ta force dans leurs sourires.
Aujourd'hui il est temps de partager ces mêmes moments avec ta mère, seules toutes les deux, l'occasion est trop belle de vous apprendre mutuellement, de constater comme vous avez grandi, comme vous avez vieilli, tellement loin l'une de l'autre mais avec tout cet amour qui efface les kilomètres. Tu as quelques jours hors du temps pour profiter d'elle, de ces cafés que vous buvez enfin ensemble, de son rire qui résonne dans ton appartement, étrange décalage avec ce qui se fait habituellement, quand le son de sa voix ne passe que par le téléphone. Elle est là, elle dort à quelques mètres de toi, et comme une enfant au matin de Noël, tu t'impatientes qu'elle se réveille pour lui dire des choses, toutes ces choses qu'elle devine parfois mais qu'elle ne sait pas vraiment, elle est le cadeau parfait pour te faire basculer d'une année à l'autre dans la sérénité.
Il y a eu quelques rencontres, marquantes, profondes. Ces liens qui se tissent sur une toile qui porte si bien son nom, ces liens un peu magiques, des destins qui se croisent dans un espace commun alors qu'ils ne se seraient peut-être jamais trouvés en dehors de cette réalité virtuelle. Des personnes qui sont là, font partie de ton univers, avec lesquelles tu as développé des rituels quasiment quotidiens, un mode de communication qui vous est propre.
Aujourd'hui tu sais bien qu'il te faudrait relativiser l'importance que tout cela prend, que tu devrais essayer d'intégrer dans ces échanges un peu de raison, un peu de sagesse, que tu ne peux pas gérer sur le long terme l'émotion qu'ils provoquent en toi. L'année écoulée a été le terrain fertile de ces liens aussi inattendus qu'espérés, celle qui arrive doit te permettre de prendre du recul, de relativiser, de laisser les gens à leur place, d'accepter leur liberté. Là encore c'est un défi gigantesque pour toi qui as tendance à naturellement t'accrocher, à aimer très fort dès lors que tu te laisses aimer, à étouffer ces autres qui ne sont pas en attente de cet amour, qui n'en sont pas au même point, qui ne le seront  jamais. Pour eux, mais pour toi aussi, pour ne pas souffrir, tu sais bien qu'il te faudra t'éloigner.

2013 a été dure.
Il y a eu ces attentes déçues, ces espoirs brisés, ces rêves confrontés à une toute autre réalité.
Il y a eu l'absence de ce frère qui ne veut plus de toi, et tout l'amour que tu lui portes dont tu n'arriveras jamais à te débarrasser, que tu ne pourras jamais donner à quelqu'un d'autre.
Il y a eu ces insomnies, tellement nombreuses, avec toute l'angoisse qu'elles charrient, avec tous les doutes qu'elles éveillent, avec toutes les questions qu'elles laissent sans réponse.
Il y a eu ces échecs, tous les petits et gros paris que tu avais faits sur la vie et que tu n'as pas remportés.
Il y a eu ces addictions qui te pourrissent le quotidien, dont tu ne te sépares pas, qui dorment là en toi et s'éveillent au moindre coup de vent, que tu ne sais pas toujours gérer, qui basculent parfois dans l'excès.
Il y a eu le morcellement de ton unité fragile, ta nécessaire scission interne pour réapparaître sous diverses identités qui peinent parfois à se confondre de nouveau.

Aujourd'hui un nouvel espace-temps annuel ouvre la voie à des changements, à des décisions, à des prises de risque peut-être, à des séparations, à des retrouvailles, à de l'amour, à de la compassion, à de la force, à l'acceptation des faiblesses, à l'acquisition de la sagesse et de la sérénité. 
Sauras-tu en profiter ?
Rendez-vous dans un an, pour un nouveau bilan. 
Et puis rendez-vous maintenant. La vie, c'est maintenant.

© Isa – janvier 2014

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