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vendredi 10 janvier 2014

...contrainte à dire au revoir...

Tu t'en vas. Tu quittes tout. Tu quittes ces autres qui t'ont rendu différent, qui t'ont volé ton identité, t'ont forcé à toi même l'usurper, la modifier, la sacrifier. 
Pour en finir avec ça et recommencer avec toi, tu instaures d'abord le black-out total, plus de son, plus d'image, plus de mots, plus de photos, tu deviens invisible, inaudible, tu disparais.

En éveillant l'inquiétude de ceux que tu laisses dans cette réalité 2.0 que tu as bien longtemps partagée avec eux, sans un mot d'explication, sans un regard en arrière, sans lancer en l'air, comme tu le faisais parfois, une sorte d'"à bientôt" laconique qui nous faisait comprendre ton besoin de partir mais avec la certitude que tu nous reviendrais.

Là, rien. Rien d'autre qu'une absence aussi totale que brutale. Le noir, le vide, l'écho pour réponse.

Bien sûr il y avait eu quelques signes avant-coureurs. Tu parlais de t'être oublié, de ne plus te trouver, ta face B parlait parfois du goût amer que ta face A laissait dans ta bouche, et toutes ces idioties que tu te devais de balancer, et tous ces bons mots que tu te forçais à marteler, et toute cette course à la popularité qui fatiguait chacun de tes muscles. Tu avais besoin de te reposer.

Mais évidemment quand on ne veut pas voir, on ne voit pas. Alors j'ai pris ton départ comme une claque en pleine face, me réveillant durement d'une léthargie naïve, d'un espoir discret mais tenace que tu finirais par trouver ta place, là, pas loin, tout à côté, encore.

Les premières minutes je les ai passées à te chercher. Ici, là, partout. J'étais connectée à toi par le biais de tant de fils virtuels que je tirais sur chacun d'entre eux en espérant t'y retrouver au bout. Mais plus rien, nulle part. Les fils ont tous été coupés. 

Pendant la phase numéro deux j'ai mobilisé les réseaux. Ces autres qui te connaissent, savent-ils jusqu'où tu as erré, où tu as fini par échouer ? Le vide en retour. L'inquiétude en écho. L'absence de tout indice. 

Quelques heures d'hésitation et je me décide à activer le dernier lien, le seul IRL d'ailleurs. Un message. Qui reste sans réponse à ce jour. Ce fil là aussi, tu l'as coupé. Même pas arraché avec un bout qui pendouille comme un espoir de reconnexion ultérieure, non, tranché net, sans rien qui déborde, sans nouvelle attache possible. C'est l'impression qu'il me reste de ce lien rompu.

Et puis tu réapparais. Aux yeux de tes lecteurs fidèles par le biais d'un nouveau billet qui annonce la fin d'un chapitre, l'ouverture d'un nouveau volume. Tu fais table rase de tout ce qui était là avant et ma première réaction est de m'inquiéter fort, très fort, de ce que sont devenues les pépites dont tu nous avais enchanté les yeux jusque là. Aujourd'hui encore j'espère que tu en gardé des traces, que tu n'as pas tout jeté. De savoir qu'elles ont tout à fait disparu porterait l'estocade finale à l'amoureuse des mots en général, des tiens en particulier, que je suis depuis toujours. Depuis le premier jour, le premier texte, les premières lignes, depuis l'éclatement au grand jour de ta plume acerbe que j'avais déjà devinée. 
Tu réapparais aussi en privé. Quelques mots échangés. Ton "je ne t'ai plus à l’œil" qui me démunit. Je m'étais habituée à être couvée par ton regard. Reviennent avec tout ça ma peur panique de l'abandon, mon horreur pour les adieux, ma désillusion aussi. La certitude qu'un "nous", vrai, IRL, pouvait exister disparaît instantanément. Ton style et le mien, si proches dans ce qu'ils avaient de plus sombre, se répondaient souvent. Je nous pensais connectés et n'imaginais pas de fin. Naïveté, candeur, illusion.

Depuis, tu ponctues ton absence par quelques pointillés de mots que tu destines à tous. Tu t'étonnes que certains aient déserté, tu questionnes sur l'origine des réactions suscitées, "est-ce que c'est toi ?" demandes-tu. Ne me demande pas à moi de te fournir les réponses. Tu n'es plus là, alors je ne suis plus là.
Bien sûr en ce qui me concerne je t'ai toujours à l’œil, il ne saurait en être autrement, évidemment. Mais puisque aucun échange n'est possible, aucun retour n'est envisageable, je n'y laisserai plus désormais qu'un regard attentif lors de tes apparitions textuelles, et guère plus. Avec la pleine conscience que cela te suffira.

Je te souhaite de te trouver, de te réaliser. Si la distance aide, alors sois bien, là où tu es, loin là-bas.
Pour ma part, si tu me cherches, je suis quelque part dans le dernier paragraphe de cet article-là.

© Isa - janvier 2014

2 commentaires:

  1. L'erreur c'est de croire à l'abandon. La bonne voie c'est de comprendre les raisons de la coupure.

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    1. Quand on est dans l'émotion c'est difficile de chercher à comprendre. Mais j'essaie fort.

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