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dimanche 26 janvier 2014

...dans ma bulle...

Y a ce monde, là, qui n'appartient qu'à toi. Ton univers, ton cocon, ta maison.
Dedans, c'est décoré comme tu aimes, il y fait un peu froid parce que tu as toujours aimé frissonner, il y traîne une odeur de fruits rouges délicatement diffusée par les bougies parfumées.

Il n'y a personne d'autre que toi ici, c'est ton refuge, ton antre, ton terrier, tu ne le partages pas, tu ne le fais jamais visiter. Tu as fixé le tarif du billet d'entrée tellement haut que personne ne peut s'offrir une excursion en ce terrain si privé. Parfois, quelqu'un passe à côté et jette un œil par la fenêtre entrouverte, mais tu t'arranges toujours pour que l'essentiel reste indétectable de l'extérieur.

Alors les rares badauds doivent se contenter de deviner quelques notes de musique, la voix de P!nk parfois, le phrasé de Brel, les mots de Zazie, la guitare de Richie Sambora souvent. Ils voient de la lumière, beaucoup, toujours, l'ambiance tamisée n'a jamais eu tes faveurs, l'obscurité te renvoyant toujours à tes peurs de gamine. S'ils s'approchent assez près, ils se prennent en plein visage quelques volutes de la fumée de ta cigarette, alliée indispensable de la zénitude que doit te procurer l'endroit.

Ils n'en sauront jamais plus. Et c'est tellement mieux comme ça.

Parce qu'en vrai, dedans, il y a toutes ces choses que personne ne doit voir. Il y a, malgré l'apparente impression que chaque chose est à sa place, le foutoir innommable de tes pensées qui se croisent, se mélangent, s'engrainent, macèrent ensemble pour exploser en une multitude de petits bouts de toi que tu t'efforces ensuite de rassembler en un tout qui tiendra debout pour quand tu sortiras de la pièce et t'exposeras de nouveau à la face du monde. Il y a, malgré le rock et le rap et la pop que diffusent les haut-parleurs, le bruit assourdissant de tes sanglots, le blues bien plus noir que bleu, la mélancolie lascive des mélodies endeuillées par le mal-être, le mal à ton être, le mal à ton amour, le mal à tes impossibles. Il y a, malgré les tableaux qui te narguent en te montrant toutes ces îles dont tu es si loin, toute cette eau turquoise que tu imagines pure et revigorante, l'enfermement volontaire ou pas, subi ou choisi parfois, l'incapacité à voyager, ne serait-ce que par la pensée. Il y a, malgré la sensation de sécurité qui se dégage des murs, un sol glissant, inondé des larmes et du sang versés, triste rivière invisible qui charrie le désespoir et la peur et les doutes et les manques. Il y a, malgré l'accumulation de ces choses que tu aimes avoir à portée de main, ton ordinateur et ton téléphone et tous tes trucs, le vide intersidéral laissé par ton envie de quelque chose de bien plus grand, de bien plus envahissant.

Et pourtant, c'est chez toi ici, et tu n'en sors pas. Tu t'y réfugies au contraire le plus souvent possible. Parce que c'est là que tu caches la noirceur et la douleur. Et qu'il te faut les retrouver régulièrement pour pouvoir travailler avec elles à leur disparition. Tu ne peux faire ça que seule, que là, cachée du regard des autres, à l'écart de leur inquiétude, en dehors de leurs questions sans réponse.

Alors tu y viens, tu y restes, tu essaies d'effacer les larmes et les tâches et les cris et les pensées. Tu y travailles fort, tu briques, tu laves, tu nettoies, tu expies pour mieux tuer, tu expires le mal et tentes de renouveler l'air. C'est dur, c'est long, ça te demande des efforts surhumains, mais tu as en toi l'envie si forte de rendre cet endroit d'une pureté absolue que tu passeras chaque heure, chaque minute, chaque seconde de libre à y revenir encore.

Pour purifier.

Parce que mine de rien, vas-y avoue le au monde, t'as bien envie d'y faire un jour entrer tout ceux qui comptent. 

Dans quelques milliers d'efforts, après des millions de secondes passées à tout rendre pas seulement présentable mais vraiment propre, tu pourras le faire, tu pourras les convier, les inviter à s'y installer même. Accroche-toi donc à cette idée là.

© Isa – janvier 2014

PS pour toi, là : si tu ne me trouves nulle part ailleurs, dis-toi que tout va bien, parce que c'est ici que je suis. Je travaille à tout rendre joli pour le jour où tu viendras.

1 commentaire:

  1. Tel l'ermite, je reconnais avoir parfois l'envie irrésistible d'échafauder un plan pour construire la cabane de mon enfance.
    Celle quon faisait dans les bois et que seuls les vrais copains pouvaient fouler��

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