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mercredi 29 janvier 2014

...une éponge...

T’as épuisé tous les sujets. Ou presque.
Finalement, on fait vite le tour d’une existence de 28 ans. Aussi lourd que le vécu soit à porter.
Tu te pensais peut-être capable de tenir tout un blog comme ça, à bout de bras et avec juste toi dedans, mais tu vois bien que toi-même tu ne suffis plus. Que même les fidèles se lassent. Que tu n’arrives pas à te réinventer.

Pourtant l’envie est là, elle est là chaque semaine, chaque jour, et, parfois, elle te tenaille même à chaque minute. Ces minutes qui défilent sur fond de conscience extrême et lucide que l’apaisement ne viendra que par l’alignement des mots. Comme toujours.

C’est un peu comme un appel de la page blanche, le but est de la noircir à tout prix, peu importe le thème, peu importe le style, peu importe le destinataire. Ecrire, te vider, te purger, sortir quelque chose pour ne pas que la cocotte minute explose. Dépressuriser, aérer, libérer, faire de la place pour tout ce qu’il y a à venir.

Parce que fatalement autre chose viendra. Toi, l’éponge à émotions, le dépotoir à mal-être, tu chopes tout ce qu’ils ressentent comme on attrape la crève même sans être en plein courant d’air. Sans que ça prévienne, sans que le contexte ne te fasse te méfier, inévitablement, ils disent, tu ressens. Parfois ils taisent mais tu ressens quand même.

Ils croient peut-être que tu vis cette empathie comme une fierté, que tu la portes en bandoulière pour l’exhiber. T’as souvent envie de leur laisser croire que c’est le cas, après tout ça te donne le beau rôle, celui de la nana qui s’inquiète constamment pour eux et qui cherchera toujours à aider d’une façon ou d’une autre. Et pourtant… Pourtant, tout à fait égoïstement, t’aimerais quand même vachement ne pas être comme ça. Que leurs bobos te passent au-dessus de la tête, que leurs douleurs guérissent sans que tu aies à les constater, que leurs manques soient comblés sans que jamais tu n’aies eu à les remplir, toi. T’aimerais t’en foutre totalement, t’en détacher complètement, tracer ta route comme on dit hein, avancer, appuyer sur l’accélérateur, tant et si bien que t’irais trop vite pour ne pas voir les oiseaux blessés sur la route et les auto-stoppeurs de l’amour sur le bas-côté. T’aimerais disparaître à la moindre confidence de la moindre douleur, au moindre aveu de la moindre faiblesse. Ne pas avoir à rassurer, à sécher les larmes, ne plus jamais jouer aucun rôle dans leurs tragédies.

Et puis surtout ne plus avoir mal. Parce qu’il est surtout là le cœur du problème. Si seulement tu n’avais qu’à les réconforter, qu’à les écouter, qu’à les conseiller… Tu pourrais gérer, ça. C’est ce que tous les amis font. Mais toi tu ne leur es presque d’aucune utilité tant tu es bouffée par toutes ces choses qui ne t’appartiennent pourtant pas. Ce ne sont pas tes combats, ce ne sont pas tes manques à toi. C’est tellement contre-productif de te les approprier, tellement inutile, tellement con aussi d’ailleurs. Mais rien n’y fait. Tu prends, tu éponges, tu absorbes, tu partages. Tu ne montres pas les larmes pour ne pas inquiéter davantage mais tu profites de chaque occasion pour les cracher discrètement. Tu parles d’un soutien… Tu parles d’une amie, hein…

Donc aujourd’hui y a encore tout ça qui va se passer. Comme tous les jours. Pour pouvoir emmagasiner, accumuler de nouveau, il te faut donc te vider de toutes les histoires d’hier et, pour l’instant, tu ne sais pas comment faire autrement qu’en écrivant. Alors même si t’as rien à dire, tu reviens ici, tu lâches tes trois phrases, tu alignes tes quatre mots, et roule ma poule.

Hé toi qui lis là, vas-y c’est bon tu peux revenir maintenant. Je peux de nouveau bouffer ton mal, j’ai fait de la place.

© Isa – janvier 2014

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