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vendredi 31 janvier 2014

...au matin du vendredi...

Il arrive, il est déjà là, on court après toute la semaine et inévitablement il finit par se pointer. Parfois il prend le temps, parfois il débarque vite, mais, fatalement, une fois par semaine, on y est.
Vendredi.

J’en vois certains qui en ont carrément rien à foutre, ils échappent aux traditionnels jours de repos du week-end et, pour eux, le vendredi n’est parfois qu’un début ou un milieu de semaine comme le sont nos lundis ou nos mercredis.

Mais j’en vois surtout beaucoup qui n’attendent que lui, parce qu’il est synonyme de libération, qu’il est le terreau fertile de projets en tous genres pour les deux jours à venir, qu’il sonne le glas des réveils bien trop tôt, des embouteillages ou des RER bondés, qu’il est à lui seul la promesse d’au moins deux lendemains qui chanteront un peu plus que tous les autres.

Certains l’attendent aussi parce qu’il accueille en lui les compliments les plus beaux et/ou les plus hypocrites que la Terre ait jamais portés et, si tu ne comprends pas ce qui précède, file t’inscrire sur Twitter et tu pigeras dès vendredi prochain.

Foutu rythme imposé où on marche tous ensemble à la même vitesse, hein. Foutues répliques hebdomadaires où certains vont s’amuser à balancer des « oh oui ça va, on est vendredi », d’autres des « tu fais quoi ce week-end, toi ? ». Foutus sourires sur les visages qui s’agrandissent à mesure que le temps passe et qu’on se rapproche de l’heure où la cloche va sonner, où le portail va s’ouvrir, où on va tous s’échapper en courant pendant que Maîtresse nous enverra des baisers avec ses mains qui s’envolent et sa bouche qui nous crie « bon week-end, à lundi ! ». Foutu réveil qui sonne fort, trop, qu’on tabasse en hurlant « ta gueule » juste avant de se redresser, de comprendre qu’on l’a entendu sonner pour la dernière fois de la semaine et que, du coup, finalement, il est pas si méchant puisque de temps en temps il nous fout la paix. Foutues inepties twittesques, à base d’invitations à suivre enrobées de jolis mots qu’on veut drôles ou touchants ou percutants. Foutues mines fatiguées d’avoir couru après le temps les jours d’avant, impatientes de faire s’arrêter l’horloge sur l’heure des loisirs, du repos, de la détente, du « quality time » comme on dit quand on parle Anglais.

Foutues obligations partagées de traditions hebdomadaires qu’on est tous plus ou moins censés apprécier.

Et puis moi tu me connais, jamais à faire comme tout le monde, toujours voulant me démarquer, me la raconter, me mettre en avant. Tu connais ma difficulté à verser dans l’humilité, à accepter d’être un mouton comme tous les autres. Tu connais mon penchant naturel à ouvrir ma grande gueule pour dire que je ne suis pas d’accord, que je ne suis pas comme les autres, que les traditions je les emmerde et que les obligations je les conchie.

Alors du coup moi tes vendredis je les prends à contre-pied, je me réveille en regrettant que ce soit déjà la dernière fois qu’il faut que je me prépare à aller bosser, je tire la tronche à mes collègues parce que merde ils vont me manquer, je fais du rab au boulot pour ne pas rentrer trop tôt chez moi et prolonger le plaisir de la vie sociale, j’arrête l’horloge sur l’heure du travail, de l’abnégation, de l’effort, du « working time » comme on dit quand on parle Anglais.

Et puis surtout sur Twitter je la boucle bien bien fort pour éviter de rentrer dans le game de la branlette à plusieurs, de la partouze sans orgasme, du plaisir qu’on offre en attendant bien calé confortablement que celui à qui on l’a offert nous renvoie gentiment l’ascenseur. J’ai goûté hein, j’ai kiffé même, je m’en suis délectée pour être honnête. Mais je ne mange plus de ce pain là. J’ai plus jamais assez faim pour ça et au pire je préfère de toute façon me bouffer les doigts.

Vendredi, 8h15, vidange du jour effectuée.
C’est reparti pour le remplissage, quand tu veux, pas besoin de me chercher, je suis juste là.

© Isa – janvier 2014

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