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dimanche 2 février 2014

...au 32ème jour de l'an 14...

T'as déjà souri ce matin. Dès les premières minutes qui ont suivi ton réveil. C'est rare, ça te change, c'est assez sympa en fait. Inhabituel.

Bon du coup ça nique un peu la verve que tu veux mettre dans ton billet du jour. 

T'étais tombée du lit en te disant que t'allais leur pondre un truc bien mordant sur ta jalousie dévorante & l'absence totale de second degré en ce moment. T'allais leur parler de comment tu surveilles les compteurs et de l'impact que ça a sur toi quand ça dégringole. T'allais t'offusquer de ceux avec qui t'as eu quelques rares contacts plutôt sympathiques, mais qui décident quand même que tu ne mérites plus d'apparaître dans leur TL, même si c'était qu'une fois tous les 36 du mois puisqu'ils suivent 1500 personnes. T'énerver en hurlant "1500 quoi ! et y a pas une toute petite place pour moi !?!". T'allais venir poser là ton incompréhension totale face à l'importance que tu donnes à la chose virtuelle, toi qui as toujours été friande de chair et de contacts physiques et de cafés en terrasse et de mains sur la cuisse et des yeux dans les yeux. T'allais crier que tu ne t'es pas vue changer, pas vue devenir cette autre qui ne mise plus que sur des chiffres et une pseudo course à la popularité et que tu serais prête à donner beaucoup si en échange on te faisait redevenir comme avant. Comme quand tu aimais les gens et non pas leur rang sur une liste de followers. Comme quand Internet ne te servait qu'à communiquer avec eux pendant leur absence ou la tienne. Comme quand ta vie sociale c'était encore prendre la main de ton meilleur ami pour te balader avec lui. Comme quand ton ordinateur était un outil de travail ou de distraction et non pas une boîte dans laquelle sont rangés des "amis". T'allais dégainer des mots forts sur celle que tu as perdue en route, ton moi profond, la substantifique moelle de ta petite personne, celle qui est faite pour les bisous et les câlins et qui parle avec sa bouche et pas qu'avec ses doigts qui s'affolent sur un clavier. T'allais dire d'elle qu'elle te manque, que c'est une connasse d'être partie sans prévenir, sans un regard en arrière, en te laissant là seule avec tous tes nouveaux automatismes 2.0 sans lesquels tu n'arrives plus bien à dérouler une seule putain de journée. T'allais aussi cracher sur celle que t'es devenue depuis que l'autre s'est barrée, cette étrange personne qui "surveille ses ratios", "efface ses mentions", "up ses propres tweets" et j'en passe. Cette meuf là, que tu reconnais pas bien quand tu la croises dans le miroir, parce que ses yeux sont rougis par le manque de sa nouvelle came, Internet, les rézosocio de mes deux, les @ et les #, les vannes sur Zaz & Marc Levy. Mdr - lol - ptdr d'ailleurs hein : tu ne te souviens que vaguement de cette époque où tu l'encensais toi, Marc Levy. Bah ouais, t'as trop honte maintenant, s'ils le savaient, sur Twitter, que t'as chez toi ses dix premiers bouquins et que tu les as toujours achetés le jour même de leur sortie. Vas-y cache toi de ça et ne leur dis jamais, ils ne comprendraient pas, t'as pas le droit, tu peux pas, déjà que t'as l'impression que parfois tu ne fais pas partie du game alors ne provoque pas, hein, tais-toi. T'allais venir là et balancer en version brute tout ce que ça t'apporte, cette nouvelle façon de vivre ta vie, et puis tout ce que ça te retire aussi, et puis chialer en 3000 signes sur le déséquilibre des deux colonnes et la balance qui penche pas du bon côté. T'allais raconter comme t'es jalouse du succès des uns, putain c'est pas beau la jalousie hein Isa, avoue que ça te laisse un goût immonde dans la bouche de baver autant, avoue le que t'aimes pas ça d'être aussi fébrile face à ta propre impopularité mais encore plus face à la réussite de ces autres qui, en plus, pour certains, ne la méritent même pas quoi. Tiens, c'est bien une remarque de nana jalouse, ça. Haha.

Voilà ce que t'allais venir déverser comme bile ce matin, tôt, et leur balancer à la tronche quand ils daigneraient se réveiller.

Mais alors que tu t'apprêtais à le faire, à jeter les mots bien sentis qui te brûlaient les doigts... tu l'as croisé. Il a dit quelques mots, pas beaucoup, comme à son habitude. Il t'a mis du léger en tête, il t'a rappelé que parfois t'étais aussi une fille un peu fun et il a dit qu'il aimait bien ça. Et comme il est l'un des rares à te piger quand t'es pas dans un bon jour, t'apprécies d'autant plus quand lui il remarque que tu n'es pas que ça. Il a capté tes douleurs, il te l'a souvent prouvé. Mais il voit aussi au-delà, les phases où t'es bien, et il en rigole avec toi.

Du coup, ce matin, tu n'as pas que craché.
Tu as souri, aussi. Si tôt, déjà.

© Isa – février 2014

2 commentaires:

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