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jeudi 27 février 2014

Duel - L'approche

Approcher. Séduire. Consommer. Rejeter.

Tu as été bon dans la phase d'approche. T'as dû la répéter mille fois et tu sais parfaitement comment te faire discret tout en faisant avancer le pion. Lentement, à la limite du perceptible.

Je ne t'ai pas vu venir. Distraite par la vie, les emmerdes & les gens. Captive ailleurs. Retenue ailleurs. Concentrée ailleurs.

Tu en as profité pour planter le décor. Minimaliste, sommaire, efficace. Tu t'es concentré sur l'essentiel, le nécessaire, la base indispensable : la construction d'un pont entre nos deux forteresses. Tu as relevé les manches, tu as creusé, tu as bâti, tu as posé les briques une à une, consolidé les appuis, serré les boulons, créé les portes de part et d'autre. Je ne t'ai pas vu faire, je n'ai rien entendu, rien senti, ni les bruits du marteau qui cogne, ni les vibrations de la terre qu'on remue. Tu n'as eu ensuite qu'à te relever, qu'à essuyer les quelques gouttes de sueur qui perlaient à ton front, et à admirer le travail abattu presque sans effort et surtout sans que je ne me rende compte de rien. Cette fois, là, avec moi, tu t'es même permis de te fendre d'un sourire bourré d'auto-satisfaction, de fierté même. Tu as réussi là où on t'avait prédit que tu te casserais les dents, là où tant d'autres avaient échoué, là où certains t'avaient mis en garde contre le niveau de difficulté. Finalement, sans vraiment t'épuiser plus que d'habitude, tu as tissé la toile invisible, créé le lien, rendu la connexion possible et le passage à la phase deux - séduire, ta préférée - réalisable.

Moi, pendant ce temps-là, je nous donnais, à moi et à ceux qui m'observent, l'impression de vivre à 100 à l'heure. La trentaine sexy et épanouie, le job qui va bien, les talons qui claquent sur la grande route de la vie et j'emmerde un peu les fourmis écrasées au passage. Rythme effréné qui cumule l'hyper-activité de la journée et la surchauffe de la nuit. Jamais plus de cinq minutes au même endroit, jamais en place, et puis elle est où ma place, personne ne sait alors je cherche, je bouge, je me déplace, un jour peut-être que j'y serai et je le sentirai forcément à ce moment-là. 

Trop occupée tu vois, trop focalisée sur l'indispensable bougeotte qui m'a gagnée à l'aube de mes 13 ans, trop emportée dans le tourbillon de la vie, version Jeanne Moreau - Vanessa Paradis, pour remarquer que vous arrivez, tes gros sabots et toi, et que vous avez décidé que mon prénom serait le prochain à allonger la liste interminable de ceux accrochés à votre tableau de chasse.

Du coup, fatalement, il me faut gérer l'évidence alors qu'il est déjà trop tard pour y changer quoi que ce soit. Tu es là. Un peu troublée, un peu déséquilibrée, je ne peux qu'en faire le constat. Tu es là, tout près, trop près, tu t'es faufilé, puis immiscé, puis imposé, tu es là, je le sens bien, je le vois.

Tu es déjà engagé sur le pont flambant neuf, t'as fait plus de la moitié du chemin, tu avances en me fixant des yeux et ton assurance et ta belle petite gueule puent l'arrogance de l'aigle qui fond sur sa proie. Je te regarde marcher, j'ai arrêté de bouger, je sens se mélanger en moi la peur, l'envie de fuir, celle de rester, la parfaite conscience que je vais en baver, le désespoir de l'absence de porte de sortie, le "Dieu merci y a pas de porte de sortie". Je deviens paradoxes, je deviens incertitudes, je deviens frissons, je deviens envies, je deviens émois. 

Mais je me sens en vie et je me sens moi. 
Et il va me falloir au moins ça... pour lutter contre toi.

© Isa – février 2014

2 commentaires:

  1. Réponses
    1. Pour certaines héroïnes, c'en est une.
      On n'écrit pas que ce qui nous ressemble, Venise, on ne parle pas que de soi.

      Merci de ton passage.

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