Pages

lundi 26 août 2013

...en manque de piqûre...

Je suis entrée chez lui d'abord pour y rencontrer son collègue pierceur. Ce n'était même pas pour moi. Ce monde là m'avait toujours intriguée mais une partie de moi craignait de ne pas être formatée pour. Je n'avais encore rien compris.

J'y suis retournée plusieurs fois. D'abord pour voir mon frère se faire charcuter à coup de bijoux vissés dans la peau, puis pour moi même embrasser mon destin d'adeptes de "modifications corporelles". J'ai commencé doucement, puis ai renouvelé souvent. 

A chaque fois que j'allais voir Jeff, le pierceur, j'apercevais Mikaël, proprio du shop, et tatoueur. Quelque chose en lui me faisait peur. Il me regardait comme s'il savait que j'en arriverais forcément à revenir pour passer entre ses mains à lui.

J'ai sauté le pas en juillet 2009. Tiens en l'écrivant, ça me fait tout drôle, j'ai l'impression d'être tatouée depuis toujours, ça ne fait que 4 ans. Il y a 4 ans donc, au plus fort de ma période schizophrène, je choisis un dessin représentant à la perfection le mélange des deux forces qui se battent en moi : un chérubin, avec ailes et auréole certes, mais aussi avec une queue et un trident. Ma dualité mi-ange mi-démon se loge au creux de ma poitrine, affichée, assumée, clairement revendiquée.

Les premières piqûres me font mal. Une douleur incomparable à celles connues jusqu'à lors. Rien d'insurmontable, mais impossible à décrire par comparaison tant la sensation est unique. Mais cette sensation physique n'est qu'une petite partie de ce que je ressens vraiment. Mikaël me parle, me questionne ; il sait que j'ai envie de ça depuis longtemps et s'étonne que je ne sois pas venue plus tôt, alors je lui avoue timidement que j'avais un peu peur de faire tâche dans le monde des tatoués. Il rit, amusé, et me rassure : il n'y a pas de stéréotype de tatoués, pas de prérequis non plus... mon passage à l'acte à lui seul cale ma légitimité. Après cette prise de conscience, le contact de l'aiguille est bizarrement nettement moins douloureux.

Fierté les mois qui suivent. Affichage dudit tatoo à la moindre occasion : mon nichon oublie toute pudeur et s'affiche sans complexe aux yeux de qui veut le voir. Montrer un sein tatoué n'est pas un acte sexué -- le tattoo, sa forme, ses couleurs, sa symbolique et la façon dont son propriétaire en parle importent bien plus que la partie du corps que tu dévoiles en le dévoilant lui.

Après la fierté, le vide. L'envie de recommencer, encore. Tu sais bien qu'il ne faut pas te précipiter mais tu te surprends à fouiner sur le net, à demander conseil, à réfléchir à un financement... de plus en plus souvent... Jusqu'à ce que le désir soit trop fort pour rester enfoui. Là, tu t'arranges en un rien de temps pour que toutes les conditions soient réunies, et tu retournes à l'aiguille tel un assoiffé va à la fontaine. Avec détermination et conviction. Sans que plus rien d'autre ne compte autour.

Deuxième séance en octobre 2010. A une période où l'Amour n'a pas sa place dans ma vie, tant et si bien qu'on me dit souvent que j'ai un vrai coeur d'artichaut... Banco, un artichaut pousse désormais à ma cheville...

Puis je contiens et retiens mes élans pendant près de 18 mois. Ce n'est qu'en mars 2012 que je fais graver un barbelé sur mon avant-bras, de la forme de mon chiffre fétiche. Le plus visible de mes tatouages est également celui qui crie au monde de ne pas m'approcher de trop près. Qui s'y frotte s'y pique, tiens le toi pour dit.

Bientôt 1 an et demi que je n'ai pas senti la morsure de l'aiguille me trouer la chair. Que je n'ai pas baigné dans l'ambiance si particulière -- peuplée d'icônes religieuses sur fond de hard rock -- de la cabine de Mikaël. Que je n'ai pas exhibé fièrement ma nouvelle gravure.

Deux projets me trottent dans la tête, les dessins de base sont trouvés, il n'y a plus qu'à les personnaliser. Dans mon cerveau de camée en manque, les images fusent et sont si réelles que je me sens frustrée de ne pas les voir apparaître là, quelque part sur ma peau.

Je pense qu'il est grandement temps d'y remédier.

 © Isa - août 2013

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ça te parle ? Ça te plait ? [Ou pas, d'ailleurs ;-)]
Dis-moi tout !