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samedi 14 septembre 2013

...tombée sur la perspicacité faite femme...

Les personnages ? Deux femmes , des collègues qui n'exercent pas du tout les mêmes fonctions mais qui se sont croisées au gré des quelques échéances communes que leurs responsabilités mutuelles ont placé sur leurs routes. Elles se connaissent donc un peu, de loin. Sans plus. 
Le cadre ? Le calme d'un bureau à l'abri des indiscrétions. 
L'objet ? Un entretien pendant lequel l'une devra livrer ses envies d'ailleurs et l'autre aura pour mission de l'aider à partir.
Beaucoup d'attentes d'un côté, beaucoup de bienveillance de l'autre.

Voilà pour planter le décor. C'était la deuxième fois qu'on se voyait. Elle m'avait donné bien du fil à retordre dans la préparation de ce deuxième entretien : beaucoup de devoirs à faire à la maison, notamment. Travailler n'est pas un problème, mais quand il s'agit de passer du temps à trouver des façons de me vendre, de parler de façon objective mais positive de mon parcours et de mes compétences, ça a tendance à réveiller en moi des angoisses d'échec à la limite du paralysant. J'ai fait ce qu'elle a demandé. A la dernière minute, pour retarder l'échéance. Sous pression et avec en trame de fond la crainte de ne pas y arriver. Mais bon... je l'ai fait.

Nous avons passé de longues minutes à débriefer l'entretien précédent et à décrire l'évolution de l'état d'esprit depuis. Ponctué de jeux de rôles où j'étais tour à tour moi et quelqu'un d'autre. Regardé les documents que j'avais préparés. Précisé certaines de mes attentes, verbalisé certaines de mes peurs.

Puis la claque. Magistrale, inattendue.
Cette femme qui me connaît à peine semble lire en moi comme dans un livre ouvert. Rappelle toi donc quand je te racontais (ici) que ma timidité n'est jamais perçue par les gens, et que son aveu suscite toujours de vives réactions de surprise, voire d'incrédulité. Eh bien elle... elle sait. Elle voit, elle a compris, elle l'annonce elle-même d'une voix emplie de certitude ne laissant aucune place au doute. "Cette timidité, là, il faudra travailler dessus, hein...". Premier gros boum boum dans ma poitrine, première défaillance. Et tout s'enchaîne. Elle sent la brèche et s'y engouffre. Elle y va pas à pas, tout doucement, avec bienveillance toujours et en veillant à obtenir mon consentement - silencieux - à chaque fois qu'elle va un peu plus loin. "Peut-être que je me trompe, tout ça relève de l'intuitif, arrête moi si je fais fausse route", qu'elle dit souvent. Mais non Machine, je ne t'arrêterai pas, même si je le voulais je ne le pourrais pas, chacun des mots que tu choisis correspond parfaitement à ce qu'il y a à l'intérieur de moi et je ne sais pas comment faire pour que tu cesses de voir ce que je cherche tant à cacher depuis de si nombreuses années. Tu le vois bien, hein, que tu as raison, alors arrête de t'excuser d'avoir peut-être tort... Tu attends que je réagisse, je le sais, tu attends que je valide - parce que tu sais bien que je ne peux pas nier. Et tu n'as même pas besoin que je parle pour constater que tu as fait mouche. Tu le vois à mon visage blême, à mes yeux qui s'emplissent de larmes, à mes doigts qui se torturent les uns les autres, à ma mâchoire qui se crispe et à cette absence criante de réponse verbale. 

Comment m'as-tu aussi bien devinée ? Tu me diras plus tard que c'est dans les yeux que je garde baissés, dans le choix de mes mots, dans ce que tu as vu de moi lors de nos rencontres précédentes.

Tu es d'une perspicacité désarmante, Machine... Tu as cerné le personnage en moins de temps qu'il ne m'en faudrait pour le décrire moi-même... 

Deux jours après, je n'ai pas encore décidé entre t'être reconnaissante d'avoir vu ce que les autres ne voient jamais, ou au contraire t'en vouloir de m'avoir si justement mise à nu. Je change d'avis heure après heure, même minute après minute parfois. Ce que je sais, c'est que tout ça est sorti et qu'avec toi en tout cas, je ne pourrai plus faire semblant. Il va me falloir composer avec ça.

© Isa - septembre 2013

1 commentaire:

  1. Tu as une alliée désormais ! Elle ne te veut pas de mal, tu le sais puisque tu la décris "bienveillante" ... Alors tombe les armes, et fais-lui confiance ... elle peut te conduire sur de nouveaux chemins, plus sereins et prometteurs pour toi !
    Bisous mon Epousaillée ;)

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