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dimanche 2 mars 2014

Up & Down

Putain ça monte. 
C'est pourtant pas encore tout à fait perceptible, un frémissement, une putain d'aile d'oiseau qui commence à remuer, un décollage en douceur, ça ne fait pas le bruit d'un hélicoptère, ça ne tremble pas de partout mais toi tu sens le truc arriver dès les premières vibrations. L'habitude, t'sais.
Les autres autour ils n'y captent que dalle, au début tu sais bien cacher, tu dissimules les joues qui voudraient rougir, tu parles fort pour couvrir le bruit du cœur qui accélère, tu te tiens à la rambarde et on ne voit pas que tes jambes commencent à se dire merde l'une à l'autre. T'es encore un peu dans la maîtrise du phénomène, tu sais bien qu'à un moment ce ne sera plus vraiment le cas alors tu savoures l'instant et tu te prépares à l'invasion totale avec le peu de moyens que la vie t'a donnés. De la musique pour adoucir tes mœurs, des mots pour sortir le trop plein, des attitudes pour te donner le change de l'assurance. Comme avant une tempête, tu fais l'inventaire de ce dont tu as besoin, tu fais des listes et tu refais les stocks. Tu remplis les placards des denrées vitales et tu attends le déferlement.
Et puis le premier souffle de vent dans les feuilles. Les premières gouttes de pluie. La première effluve de la Nature qui s'éveille. 
Et d'un coup d'un seul, boum, ça tombe. Rideau de pluie, rafales à 200 kilomètres/ heure, l'accélération est exponentielle, les éléments se déchaînent et tu ne gères plus rien. Tu te retrouves là au milieu de tout ça, trempée, perdue, affolée, et tout ce que t'as pu anticiper, prévoir, préparer ne te sert plus à rien et tu te sens bien naïve d'avoir envisagé que ça pourrait suffire.
Évidemment maintenant ton malaise se voit, tes joues rouges, ton cœur qui bat, tes jambes qui vacillent, tu ne caches plus rien, tu ne cherches plus à cacher, t'as pas la force, t'as pas la foi, t'es à 12000 et y a plus que ça.
Level up, l'ascenseur émotionnel vient de s'arrêter au tout dernier étage. Penthouse.

Et oh putain ça redescend.
La chute quant à elle, tu ne la vois pas arriver, jamais. Elle s'impose à toi comme la fin d'une chanson, le vide, le silence, ça s'arrête net, c'est fini, mais à l'inverse de la chanson y a pas de fonction replay, c'est pas toi qui choisis là, tu ne contrôles rien ma grande, tu subis et tu la fermes, la Nature déroule son master plan sans te demander ton avis, t'as rien à dire, rien à faire, juste sentir le calme qui revient brutalement tout autour de toi.
Sauf que chez toi évidemment le calme soudain du dehors ne rime pas avec l'apaisement du dedans, au contraire, le vide te brûle, le silence t'angoisse, et c'est parti pour un tour direction mélancolie, son lot de peurs et de manques et de frustrations en tous genres. Toi tu voulais que la fête continue, t'étais bien là haut, y avait du bon son et des gens et de la came qui dilate les vaisseaux et rend sensible chaque terminaison nerveuse, tu vivais, tu ressentais, ça bougeait et tu ne contrôlais que dalle mais putain tout vaut mieux que l'immobilisme là, tout vaut mieux que la gueule de bois des lendemains, que la nausée, l'haleine pas fraîche, la langue coton.
Plongée vertigineuse en eaux troubles, dans les bas fonds de la solitude et de l'envie que tout se poursuive et que rien ne s'arrête, sans passage par la case stabilisante de l'entre-deux-extrêmes, de l'entre-deux-folies, sans nuance, sans étape, sans crochet, sans détour.
Les câbles ont lâché net, sectionnés à la hache par une force à laquelle tu es complètement étrangère, t'es dans les limbes et y a plus que ça.
Level down, l'ascenseur émotionnel chute brusquement en-dessous du niveau de la mer. Basement flat.

Avec un peu de chance, si la vie t'accorde un peu de répit, ça ne redécollera que dans quelques jours et tu auras de nouveau le temps de faire comme si tu pouvais t'y préparer.

Mais comme t'es pas une grande chanceuse et que la vie prend plus qu'elle n'accorde, il est plutôt fort probable que les allers-retours se multiplient dans la journée.

C'est ça ta vie, hein, poupée. Il est grand temps de t'y habituer.

© Isa – mars 2014

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