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jeudi 13 mars 2014

De l'importance du mouvement

Être en formation. Mobilisée par les objectifs d'un type qui pense pouvoir t'apprendre à faire ce que tu fais déjà depuis des années. Être là à l'écouter parler, à faire interagir tes camarades stagiaires, à vouloir te faire t'exprimer.
Dehors, le soleil tape et tu t'es autorisée 3 verres de vin ce midi parce que c'est le printemps et parce que tu partageais un moment hors du temps avec une personne dont tu ne te rassasies jamais. Ton autre toi. Ton double. Le reflet dans le miroir. Dans ses yeux, tu te vois autre. Belle, puissante et au coeur de ta sensibilité.
A fleur de peau mais vigilante, comme consciente du moindre frisson qui te parcourt, de la moindre idée qui te traverse l'esprit, de la moindre sensation qui t'interroge.  Mais pas seulement.  Pas uniquement dans le constat brut des émotions qui te traversent mais aussi dans la quête de sens. Où vais-je ? Que fais-je ? Que vais-je devenir ? Se peut-il que je me fourvoie quand je m'enferme là où nul ne m'aurait imaginée il y a quelques années ? Se peut-il que je me sois enfermée dans un rôle qui n'est pas fait pour moi, dans un costume qui n'est pas et ne sera jamais à ma taille ?
Se peut-il que tout ce que je pense savoir n'existe pas vraiment ?

Et à ce moment là de ta formation,  quand le monsieur debout là-bas cherche à t'apprendre tout ce que tu crois avoir déjà intégré, tu n'es que remises en question, doutes, réflexions.
Tu n'es que points d'interrogation, de suspension, parenthèses à l'intérieur desquelles se cachent tes incertitudes et toutes ces questions auxquelles tu ne peux pas apporter de réponse tranchée. Jamais.
Tout ça t'amène au moment fragile où tu seras dans la phase qui va suivre, celle pendant laquelle tu en seras à la prise de décision, à l'action, à l'avancée. L'inertie qui naît de la phase introspective, t'sais. Le mouvement. La vie... La vie, pour toi qui dis ne pas savoir rester statique, te poser, te reposer. Le pas vers l'avant, en arrière, de côté, qu'importe, mais le mouvement quoi qu'il arrive.
Dans tout ce qu'il a de rassurant. Parce qu'il bouleverse ce qui était là en faveur de ce que tu aimerais y voir à la place.
Dans tout ce qu'il a d'important. Parce que l'immobilisme t'inquiète, te révèle passive et provoque les angoisses de la personne sans contrôle et sans emprise que tu crains d'être parfois.
Dans tout ce qu'il a de constructif. Parce que c'est demain que tu seras formée, sculptée, dessinée au gré de tout ce que tu décides de faire et de dire, d'assumer et de vivre. Demain commence maintenant, pour peu que tu te mettes en mouvement.
Le mouvement. Toujours. Le garder. L'initier. Toujours.

Et pourtant...

Et pourtant tu es là Isa, tu es dans cette salle où tu n'as pas envie d'être, dans laquelle tu ne t'épanouis pas, à l'intérieur de laquelle tu ne trouves pas le sens que tu voudrais pourtant donner à la suite des événements.
Tu es là dans cette pièce Isa, là avec eux, là parmi eux, là à l'écart d'eux parce que jamais tu ne te reconnaîtras en eux si friands d'apprendre et de se remplir de théories en tous genres. Quand toi à côté tu voudrais expérimenter, essayer, vivre,  manipuler avec tes doigts, toucher.
Tu es là Isa, coincée entre cette chaise et ce gobelet de café vide posé là devant toi.
Tu es là à vouloir t'en aller si fort, à vouloir leur crier si fort à eux tous que tu n'es pas un élément de leur monde.
Tu es là à ne pas te sentir à ta place et à pourtant y rester.
Tu es là toute pleine d'une paralysie qui te donne envie de gerber sur ton manque de courage et de force et de couilles.
Tu es là à ne pas bouger, faible, lâche, obéissante, docile. Immobile.
Imbécile.
© Isa - mars 2014

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