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dimanche 24 novembre 2013

...en émoi... /fiction/jeu d'écriture/

Tout a commencé au printemps dernier, quand ton pseudo arrivé au hasard de mon fil a attiré mon attention. Une première blague partagée, un premier sourire déclenché, un premier échange qui a fait naître une complicité inattendue. Puis nos identités virtuelles qui se cherchent et se trouvent de plus en plus souvent, se répondent, se sollicitent, s'interpellent quand elles ne se croisent pas, s'affichent emmêlées aux yeux des autres. Et ces autres qui s'étonnent de ne plus nous lire l'un sans l'autre, qui s'en amusent d'abord, mais finissent par questionner, creuser, fouiller. Alors nous qui décidons de nous cacher, forts de notre imbécile certitude qu'ils sont un peu idiots de nous prêter des intentions que nous n'avons pas... Et ta naïveté quand tu me dis que nous contrôlons tout, et ma naïveté quand je te réponds qu'ils ne comprennent rien, et notre naïveté quand nous continuons à nous convaincre l'un l'autre qu'il n'y a rien à conclure de nos échanges répétés.
Puis nos mots qui s'enchaînent dans l'anonymat offert par la lumière bleutée de nos écrans, tu te dévoiles, je me livre, tu te racontes, je me confesse, tu me pardonnes, je t'accepte. Tout est évidence : la facilité avec laquelle les mots nous viennent, le manque de l'autre quand il est retenu ailleurs, et bientôt l'insuffisance criante de ces dialogues en ligne.
Pour prolonger le plaisir que chacun prend à être en contact avec l'autre, nos mains qui pianotent sont bientôt rejointes par nos voix qui se découvrent, le premier appel timide sera suivi de centaines d'autres, quotidiens, répétés. Des heures passées au téléphone, à tout se dire, à se taire parfois, et moi qui aime la sonorité de ta voix grave et toi qui te délectes de mes silences lourds de sens.
Puis de nouveau, l'insuffisance. Je m'aperçois que j'ai envie de voir tes yeux posés sur moi, je sais qu'ils m'enroberont d'une infinie douceur, tu me confies que tu veux entendre mon rire sans le filtre trompeur de la technologie, tu sais qu'il va t'emmener loin, là où tout est beau et pur et enfantin.
Alors on saute le pas. On s'y reprendra à quelques reprises, avant de parvenir à se voir. A cause de la vie qui nous complique la tâche, souvent, mais aussi et surtout à cause de notre crainte secrète que le monde réel ne fasse retomber le soufflé de notre complicité chérie.
Mais on finit par y parvenir, enfin.
J'arrive tremblante à notre point de rendez-vous, j'espère si fort que tu ne seras pas encore là, pour me laisser le temps de m'approprier les lieux, de calmer le rythme effréné de mon palpitant, de préparer quelques phrases, au cas où tout ne viendrait pas naturellement. Mais tu es là, et je t'observe sans que tu ne me voies, ton regard court partout en espérant me trouver, tu tires machinalement sur ta cigarette, je te connais déjà si bien que je sais qu'elle ne parvient pas à t'apaiser, tu es nerveux, impatient, presque apeuré. Je profite de ces quelques secondes, je te les vole, j'imprime ton visage dans ma tête, je me nourris de ces premières images en 3D et tu ne soupçonnes rien, tu attends. Tu m'attends. Et ce constat fait écho avec ce qu'il se passe en moi quand je comprends que moi aussi, je t'attends.
Forte de cette évidence, je te rejoins, tu m'aperçois enfin, ton expression change, tes yeux s'illuminent, mon ventre se tord de douleur face à la violence du désir qui me submerge tout à coup. Tu souris, je ne dis pas un mot, je fixe mes yeux aux tiens, tu ne dis rien non plus. Pourtant nous nous comprenons en une fraction de seconde, et tous les non-dits de nos conversations passées explosent autour de nous pour finir par former une bulle dans laquelle il n'y aura plus jamais que toi et moi. Ta main qui prend la mienne, naturellement, mon visage qui se lève vers le tien, impatiemment, nos lèvres qui se rejoignent... évidemment.

Absolument tout a commencé au printemps dernier : ma vie, la tienne, et le mélange que nous en faisons en composant désormais l'avenir à quatre mains.

© Isa - novembre 2013

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Ce texte, fictif, naît d'un nouveau jeu d'écriture initié par Venise et dont l'unique contrainte était qu'il devait commencer par "Tout a commencé au printemps dernier".
Pour voir les participations de PlumeChocolat, La Fraise, Venise, Emilie, Greg, MissThéRieuse et Blandine, je t'invite à cliquer sur leurs prénoms/pseudos respectifs... 

4 commentaires:

  1. Le printemps qui voit naître des passions... Beau texte ! bravo :)

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    1. <3

      *Commentaire initialement posté le 29/11/13 à 00h30*

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  2. Des histoires comme je les aime... Un style que j'affectionne... Merci !

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    1. Merci à toi de me lire et de me partager !

      *Commentaire initialement posté le 25/11/13 à 20h*

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