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lundi 26 mai 2014

Je suis une femme

Je suis une femme.
Je suis une adulte et je travaille pour gagner ma vie. Même pour ma mère, pour laquelle je serai toujours plus ou moins une enfant, il y a bien longtemps que je ne suis plus une petite fille qu’on peut infantiliser et éduquer à coup de leçons de morale. J’ai grandi, j’ai vieilli, j’ai vécu, j’ai été forgée par la vie, sculptée par les événements qui l’ont ponctuée. J’ai acquis une conscience politique, sociale, amoureuse, la mienne, elle m’appartient, personne ne peut la remettre en question ou la dévaloriser. J’ai mué plusieurs fois, changeant de peau et de style, m’affirmant dans mes choix et dans mes idées. Je suis indépendante, autonome, capable de vivre seule si et quand je le souhaite, capable d’assumer la moindre de mes envies sans aucun consentement préalable à demander par ailleurs.

Je suis une femme.
Je suis libre de m’habiller comme bon me semble, au gré de mes humeurs et de mes intentions. Je peux passer aussi vite du tailleur-pantalon au jean-baskets que du jogging-débardeur à la robe de soirée. Je porte des mini-jupes aussi souvent que la météo le permet, mes jambes s’affichent, nues et à portée d’yeux, elles se montrent sans pudeur. Je ne suis pas certaine de lire, à l’intérieur de cette façon bien à moi d’assumer ma féminité, une quelconque invitation au viol ou au harcèlement de rue… Et pourtant je lis partout ces horreurs qui touchent de plus en plus mes voisines, mes sœurs, mes collègues. Et pourtant je suis obligée d’avoir peur, d’être vigilante quant aux soi-disant signaux que mes tenues envoient aux hommes autour, de raser les murs, de marcher en bande, de ne pas rentrer trop tard. Parce qu’on me dit que s’il m’arrivait quelque chose, ce serait un peu de ma faute, je l’aurais un peu cherché. Vouloir être sexy, jolie, séduisante, n’est plus un droit mais un appel au crime, un gyrophare clignotant pour indiquer que là, ici, sous ces fringues si courtes se trouve un corps dont il est possible d’abuser. « Go fuck yourselves les tarés », est ce que j’aurais envie de leur crier, mais je ne peux pas, je suis obligée de me résigner, ils ont tort mais je n’ai pas la force de lutter.

Je suis une femme.
Ma sexualité n’appartient qu’à moi et je suis libre de la vivre exactement comme je l’entends. J’ai le droit de multiplier mes partenaires ou de ne me réserver que pour l’un d’entre eux. Je peux choisir de conjuguer le sexe et l’amour ou de les dissocier totalement. Si j’en ai envie, je peux être complètement monogame pendant des mois et vivre ensuite plusieurs semaines de la débauche la plus totale, enchaînant les rencontres et les aventures, m’offrant à tous ceux qui éveillent mon désir. Tu trouves ça vulgaire ? Vas-y, juge, critique, regarde de travers. Elabore des théories se concluant toutes par « mais quelle salope ! ». Fais-le, je ne t’en empêche pas. Mais je te plains un peu d’avoir l’esprit si étroit, de ne pas connaître les émois auxquels toute personne devrait goûter au moins une fois au cours de son existence. Je te plains un peu de ne pas voir au-delà de la simple bestialité, de juger des actes que tu sors de leur contexte, de confondre ce que tu appelles un « manque de respect envers soi-même » avec ce que moi je nomme la « parfaite adéquation entre désirs et actions ». Je te plains un peu de ne pas te demander s’il y a de la trahison dans mes actes ou si toutes mes promesses n’en demeurent pas moins respectées et tenues. Je te plains un peu mais je ne t’en veux pas, l’ignorance peut être une fatalité, je le sais bien, un jour tu chercheras à avoir toutes les clés te permettant de te faire un avis au plus proche de ma réalité, un jour peut-être, qui sait. En attendant, puisque tu te permets d’abattre sur moi ta morale judéo-chrétienne – dont je te vois si souvent dévier, ironie du sort – je vais continuer, de mon côté, de me permettre de jouir de tout et de tous. Après tout, l’intimité est un univers qui se construit à quatre mains et, tant que j’ai le consentement de celui ou celle qui est porteur de la deuxième paire, j’emmerde un peu tous les autres autour.

Je suis une femme.
Alors certes ça veut parfois dire une sexualité débridée, ou pour le moins assumée, mais ce n’est pas que ça et c’est là que ça se corse. Tu as souvent tendance à me résumer à ce qui t’arrange de garder de moi, et pourtant je suis bien plus. Je ne suis pas qu’un corps qui s’offre. Je suis bien sûr la peau qui frissonne sous tes caresses, mais elle est aussi là pour cacher la sensibilité qui coule en-dessous, dans mes veines. Ma bouche ne sert pas qu’à t’embrasser ou à te recevoir, elle est aussi là pour exprimer mes mots. Mes mains te touchent certes, mais elles effleurent aussi les claviers ou les pages blanches des carnets pour me libérer les pensées. Le rythme de mon cœur accélère quand nous faisons l’amour, mais il battait aussi avant et il battra encore après. Ma tête tourne un peu quand tes doigts me titillent, mais le reste du temps elle est parfaitement calée entre mes deux épaules et elle réfléchit. Je ne suis pas qu’un corps qui se donne, je suis aussi de l’émotion et des envies et des projets. Je suis aussi une sensibilité, des attentes et des doutes. Je suis encore la même personne que celle à laquelle tu t’adressais avant que nous partagions ce moment furtif et bestial, alcoolisé et irréfléchi. Tu sais, celle à laquelle tu te confiais, tu te racontais, celle pour laquelle tu t’inquiétais parfois. Aujourd’hui tu ne me vois plus, mais figure-toi que je suis encore là. Et qu’évidemment j’attendais de toi, bien loin des clichés stupides de la nana réclamant l’amour toujours juste après l’amour physique, j’attendais de toi que nous continuions à être ce que nous étions avant. Deux personnes qui se parlaient. Ce sont des hommes comme toi qui empêchent les femmes d’être un peu plus souvent libérées et désinvoltes, ce sont des hommes comme toi qui leur donnent l’impression de n’avoir été qu’un bout de chair, qu’un dévidoir, qu’un réceptacle alors qu’elles commençaient tout juste à assumer d’aimer le sexe sans véritable amour. Les plus vulnérables d’entre elles ne s’y risqueront plus, juste parce tu viens de balayer d’un revers de manche tout un processus inconscient de changement de mentalité, certainement débuté il y a plusieurs années. Il leur faudra tout recommencer. Heureusement qu’en ce qui me concerne, la carapace est bien trop épaisse pour que tu sois capable de la fissurer.

Je suis une femme et vous dites souvent que c’est compliqué à comprendre, bordélique dans la tête autant que dans le sac à main, impossible à suivre.
Je suis une femme et c’est tellement basique pourtant, tellement simple.
Je suis une femme qui essaie d’être fière de qui elle est, et parfois, d’un mot ou d’un regard et sans en avoir le droit, vous m’en empêchez.
Je suis une femme qui va continuer à avancer selon ses convictions, ses valeurs, sur la route qu’elle seule peut tracer. Espérant fort que quand elle arrivera tout au bout et qu’elle regardera en arrière, elle n’ait pas trop à rougir de tout ce qu’elle n’aura pas osé faire pour ne pas trop vous déplaire.

© Isa – mai 2014

1 commentaire:

  1. Serieusement, j'ai adoré ton article. Sa a résumé tout ce que je pense de sa! Pourquoi, nous les femmes, nous ne pouvons pas être frivole, taquine, charmeuse et en meme temps fiere, douce et intelligente !? Ce n'est pas a cause qu'une femme aime passer un bon moment avec un homme (ou plusieurs aussi !) qu'elle est tout suite mit dans la categorie ''salope'' . Il y a tant d'hypocrésie ! . La société nous pousses sans cesse, surtout les femmes, a être ''unique'', d'agir selon nos convictions mais lors qu'on passe une certaine limite de cette ''originalité'', nous sommes dans une categorie et on ne peux plus en sortir. Comme toi, j'aime m'habiller selon mes humeurs et des lors que je m'habille un peu sexy, on me juger ! Au secondaire, j'était constament sujet au comerage car par exemple j'avais ossée metre une jupe tailleur ( qui m'arrivais juste au dessus du genoux) qui me mettai assez en valeur. Contrairement a ces personnes, j'avai accepter ma feminité. Bref, je m'éloigne un peu du sujet... je veux juste dire que tout ce que tu a écrit est vrai et je suis tout a fait d'accord avec toi ! :)

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