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lundi 12 mai 2014

Il n'y a que toi

Tu entres dans le bar et plus rien ne bouge autour. Musique en sourdine, voix qui se font murmures, silence. Couleurs qui fondent, serveurs qui disparaissent, néant. Au milieu de ce vide il n’y a désormais plus que toi, tu prends toute la place, tu sembles te mouvoir au rythme d’un air de catwalk, tu n’es que grâce, tu n’es qu’élégance, tu es félin, je ne respire plus. Tu sembles avoir attiré sur toi toutes les attentions, tu es là et ça se sait, tu es là et ça se sent, tu es là et ça se voit, tu es là et je m’écroule.

Je fais comme si, je te souris, je t’embrasse, je t’accueille comme on salue un vieil ami, je contrôle le rouge de mes joues du mieux que je peux, je me rafraîchis d’une gorgée de vin commandé en t’attendant pour masquer mon impatience, puis je cache rapidement mes mains sous la table pour ne pas que tu en devines le tremblement.

Mes yeux balayent la salle dans un mouvement discret, je cherche des repères, des visages amis, un coin où me réfugier si ça devient trop difficile, une issue de secours. Mais je ne trouve rien. Il n’y a rien d’autre que ton sourire qui semble accroché à tes lèvres, ineffaçable, inépuisable, il est tellement intense qu’il se voit jusque dans tes yeux, et ce regard, oh Dieu ce regard… Je me sens proie, je me sens vulnérable, j’ai peur soudain, tu es partout, tu t’imposes à moi, je vibre, j’ai chaud, j’ai froid, je ne suis plus rien.

Je t’entends me parler, de tout, de rien, de toi, des autres, tu badines et je sens bien que ça pourrait être agréable de t’écouter, de te répondre, d’échanger avec toi. Je sens bien que tu fais des efforts pour me divertir, pour t’ouvrir à moi, pour me donner envie d’entrer dans cet échange, en faisant un moment de partage. Mais je suis incapable de fixer mon attention, ta voix me parvient de loin, de si loin, elle est couverte par mon cœur qui bat partout, dans ma poitrine, dans mes poignets, sur mes tempes. Je voudrais te répondre tu sais, je voudrais me raconter moi aussi, je voudrais tout faire pour ne plus paraître si timide, à la limite de coincée même, je voudrais te crier que je ne suis pas comme ça d’habitude, que je suis ouverte, que je suis sociable, que je mène souvent la danse, que j’amuse, que je divertis, que je fais mon show parfois, je voudrais que tu découvres cette femme-là, cette envie emplit tout mon corps mais ne veut pas s’exprimer hors de lui car hors de lui il n’y a que la fragilité de celle qui tombe à la vitesse de l’éclair sous le charme de l'autre et qui est paralysée par ce qu’elle ressent si tôt, si vite, déjà.

J’aimerais tant reprendre le dessus. Inverser la tendance, renverser la vapeur, me faire femme fatale te séduisant sans même chercher à le faire, t’éclabousser de ma féminité, t’entourer de mon charme, t’accrocher à mes yeux et à mes lèvres, m’enrouler autour de toi, tisser ma toile, t’y faire prisonnier, te rendre fou, te rendre mien, là, ici, maintenant.

Pour la toute première fois depuis que je suis entrée dans le jeu de la séduction, et cela fait bien des années maintenant, cela représente bien des rencontres tu sais, pour la toute première fois je me sens totalement désarmée. En attente, demandeuse, pantelante, avec tout mon pouvoir habituel en voie d’extinction, avec toutes mes certitudes et mon assurance enfouies bien loin en dessous de couches et de couches d’une timidité qui ne me ressemble pas.

Mais pourquoi ?
Que m’as-tu fait ?
Et, pire… Que vas-tu faire de moi ?

© Isa – mai 2014

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