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mardi 15 septembre 2015

Il nous faudra

Il nous faudra sans cesse nous réinventer. Nous reprogrammer. Nous construire autrement, apprendre l’un de l’autre, se nourrir peut-être chacun l’un de l’autre, s’écouter aussi, s’entendre surtout, ne pas transformer les mots quand ils arrivent à nos oreilles, ne pas les vicier, ne pas les interpréter trop vite, prendre le temps de se lire et de se relire et chercher le sens de chaque mot, de chaque tournure de phrase, de chaque signe de ponctuation, entendre les silences, les observer, les respecter, ne pas en être heurtés, ne pas en tirer de conclusion hâtive, tenter d’être dans le constat plus que dans le jugement, exprimer avec justesse et douceur le ressenti que ça provoque, ne pas s’emplir de colère dès les premiers émois, laisser passer la vague avant de la faire déferler sur l’autre, le mérite-t-il, comprendrait-il, est-il apte à l’affronter ?

Il nous faudra sans cesse nous rassurer, nous confirmer l’attachement que nous nous portons, nous le dire, nous le crier, nous le prouver, il nous faudra nous maintenir dans l’échange, dans la communication, tenter de la garder non violente, non polluée par nos égos, non souillée par la peur de nous perdre un jour, cette peur-là ne doit pas être un frein, il nous faudra en faire un moteur, non, il nous faudra en faire le carburant de notre amour, nécessaire, vitale, indispensable pour rester humbles et à portée de l’autre, mais sans qu’elle nous paralyse, sans qu’elle nous endolorisse, une peur saine, tu vois, une peur qui fait avancer l’un vers l’autre, ou l’un à côté de l’autre, jamais bien loin, une peur qui nous liera plus qu’elle ne nous divisera.

Il nous faudra sans cesse nous surprendre. Susciter l’intérêt, faire sourire, faire surgir l’envie juste avant qu’elle ne s’étiole, l’envie de se garder proches sans s’absorber, l’envie de se donner sans s’oublier, l’envie de fusionner parfois sans se perdre pour toujours, il en faudra du courage pour ça, de la vigilance, des efforts, ou alors peut-être juste de l’envie et beaucoup de mots qui font sauter les incompréhensions, désamorcent les doutes et les crises et les sursauts fâcheux, il nous faudra nous dire les choses avec simplicité, les rendre compréhensibles, avec sincérité, les montrer telles qu’elles sont, avec patience, les exprimer sans demander en retour, ou alors demander sans exiger, en laissant la porte ouverte, non, entrebâillée, non, déverrouillée, franchis-la seulement si tu as envie et es capable de la franchir, je t’attendrai toujours de l’autre côté.

Il nous faudra sans cesse trouver l’équilibre, juste ce qu’il faut de pudeur pour se dévoiler sans l’horrible sensation d’une mise à nu en pleine lumière, en pleine foule, juste ce qu’il faut de retenue pour se déverser sans l’horrible conséquence d’accabler l’autre, de le noyer, juste ce qu’il faut de présence pour être accessible sans l’horrible crainte d’étouffer, d’envahir, juste ce qu’il faut de faiblesse pour se laisser dorloter, rassurer, réconforter, sans l’horrible sentiment de vulnérabilité que le lâcher-prise génère parfois, il nous faudra sans cesse composer avec qui tu es et qui je suis et qui chacun d’entre nous a envie d’être pour l’autre, avec qui nous voulons devenir ensemble.

Il nous faudra beaucoup d’amour pour réussir tout ça.
Ça tombe bien, on dit de moi que je n’en manque pas.
Surtout, surtout, quand de l’autre côté de cet amour, il y a toi.

© Isa – septembre 2015

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