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samedi 17 décembre 2016

Ce "nous" où il n'y a que toi

Tu le sens, le danger, il revient, il rôde, nous en sommes encore là, toi et moi, à aimer prendre des risques, à aimer les défis, toi qui cherches le mal partout, moi qui te suis sans mot dire parce que tu seras toujours celle de nous deux qui prendra les décisions, moi je reste là bloquée sur nos erreurs d'hier, tu en es déjà à vouloir les répéter aujourd'hui, nous vivrons tout cela ensemble demain, tu mènes la danse, je rends les armes.

Tu capitules quand tu es tentée, tu ne résistes jamais, tu te laisses aller, tu sens vaguement au loin les effluves des conséquences désastreuses qu'auront inévitablement tes choix, puis tu tournes la tête pour ne plus rien sentir et tu fonces, tête baissée, sourcils froncés, poings en avant, j'ai à peine le temps de prendre une bouffée d'air et de courage qu'il me faut déjà te suivre dans ces pérégrinations que tu nous imposes à ton rythme si particulier, si effréné, tu es déjà si loin devant que pour ne pas te perdre de vue il me faudra toujours me dépêcher.

Tu te moques des convenances, et des codes, et des bonnes mœurs, tu te moques des yeux qui se posent sur toi pendant que tu avances, erratique, décidée, insolente, presque ingrate, qu'importe ce qu'ils en pensent, les œillades noires qu'ils lancent, tu ne vois rien d'autre que ta destination, et moi je ne sais pas où on va, pourquoi on y va si vite, si à un moment tu me laisseras reprendre mon souffle, je lance des regards affolés à nos spectateurs interdits, personne ne peut aider, ta détermination nous met hors de portée, rouleau compresseur, train à grande vitesse, il est déjà écrit que rien ne pourra t'arrêter, qui suis-je pour ne serait-ce que penser à tenter ?

Tu n'as pas de filtre, pas de frein, aucune sensibilité susceptible de te faire te contenir, il n'y a plus de retour possible, marcher, courir, accélérer, s'entêter, avancer, et moi pendant ce temps-là je m’essouffle et m'échine, tu contrôles, je cède, tu agis, je subis, tu t'emballes, je faiblis, tu décides, je te suis, tu prends, je donne, tu te hâtes, je vacille, tu vis, je souffre.

A quoi cela sert-il encore que je sois là, impuissante, fébrile, hésitante, dans la retenue et la crainte, dans la nostalgie d'hier, dans la peur de demain, il n'est de toute façon jamais plus question de moi, tu prends toute la place, tu m'en laisses si peu, je m'affaiblis à ton profit, et plus je lutterai et plus tu t'imposeras, qu'à cela ne tienne, fais, je me tais, dans ce qui jadis était un "nous", aujourd'hui il n'y a presque plus que toi.

© Isa – 17 décembre 2016

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