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lundi 12 septembre 2016

Inégaux

Tu es là à courir sur les chemins de la vie, léger et insouciant, contemplatif et acteur, tu avances en perdant juste ce qu'il faut de temps pour observer avec sérénité ce qu'il se passe autour de toi, tu sautilles et t'envoles parfois, tu regardes l'horizon sans ne jamais te sentir limité par lui, tu souris, tu respires l'odeur des fleurs, l'air t'emplit les poumons, tu te sens si vivant, si à ta place, tu ne perds jamais le fil, la route est bien trop belle pour envisager de t'en éloigner, elle t'attend, elle brille, elle te guide, tu es là à la parcourir de toute la force de ton corps si plein d'une si belle énergie, de toute l'envie de ton mental si plein d'un si fort appétit, tu avales les kilomètres sans vaciller, le vent te porte plus qu'il ne te ralentit, le soleil te réchauffe plus qu'il ne te brûle, les bruits te stimulent plus qu'ils ne t'oppressent, tu respires, tu cours, tu avances, toute la vie s'étend là devant tes pieds, il n'y a plus qu'à la laisser t'emmener loin, vers ce truc un peu merveilleux qu'est le bonheur, tu sais qu'il est là, il n'est pas qu'au bout de la route, il est déjà tout autour de toi, il caresse ta peau, il t'enveloppe, il est en toi, tu es en lui, et rien ne pourra jamais t'arrêter, tu vis.

De l'autre côté de ce prisme, il y a moi, moi si lourde, moi si consciente de mes failles, moi si coincée dans mes vices, à la fois victime et coupable, moi si ralentie par les limites d'un corps inhospitalier, déformé, souillé, par les limites d'un cerveau si embrumé, si fatigué, soutenu par la chimie devenue indispensable, moi si ralentie par la vie qui me tourmente, qui me teste, qui se dresse comme un mur infranchissable devant mes jambes si vides, si douloureuses, et la tête qui me tourne et m'empêche de regarder droit devant moi, alors je bascule, je tergiverse, les routes sont sinueuses, étroites, sombres, l'odeur de la mort plane autour, il fait froid, puis si chaud, il pleut, ma peau me tire, je faiblis, je m'arrête, je cherche l'air, il me manque, je suffoque, j'étouffe, et je pleure, et je pleure, je n'y vois plus rien, que de l'eau, et son goût amer qui se pose sur mes lèvres que je mords jusqu'au sang pour ne plus sentir le goût de mes larmes, et tout est flou, et tout est si dur, tout est si méchant, j'ai froid encore, je voudrais juste m'allonger quelque part et attendre, attendre le déclic, ou la fin, attendre qu'il se passe quelque chose, que ça change, qu'il y ait du beau et du facile ou alors du néant, j'ai mal, j'ai peur, je tombe, je meurs.

© Isa – 12 septembre 2016

4 commentaires:

  1. le texte est magnifique : aussi sombre que beau ; aussi beau que triste ; aussi triste qu'inquiétant ! il me parle tellement !

    j'envie le côté du prisme si plein de vie, si plein de confiance en lui ! mais je n'y crois pas... je crois que quand on est au creux de la vague on s'imagine que les autres, ou certains sont mieux lotis, plus en accord avec la vie... je sais, parce que des professionnels me l'ont dit, que c'est faux ! et parfois quand on regarde bien, on le voit nous aussi que ça n'est que de la poudre aux yeux ;)

    quoiqu'il en soit : jolie plume :) ça faisait longtemps que je ne t'avais lu et j'aime toujours autant :)

    je suis là au besoin et/ ou à l'envie pour parler de tout et de rien et du reste :)

    Eric, dit Rico le bourricot :)

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  2. Facile à dire ? Poncif éculé ? Je crois pourtant que le bonheur n'est pas qu'autour de nous, de soi, de toi mais aussi en nous, en soi, en toi.
    Fais de ce vent ton allié, demande-lui de chasser tout ce qui cache et enserre le bonheur et tu le verras luire. Faiblement, maladroitement, mais pourtant ce sera déjà lui...

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