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lundi 6 avril 2015

Celle qui l'attend

Je ne sais plus vraiment comment ça a commencé. Est-ce que c'est lui, est-ce que c'est moi, je crois surtout que c'est la vie, enfin le contexte, enfin le timing parfait, les conditions étaient toutes réunies, la conjoncture favorable, les planètes alignées, j'avais de la place pour lui, il avait de la place pour moi, nous nous sommes emboîtés.

Je ne sais plus les mots qui m'ont troublée, je sens qu'ils sont là quelque part au fond de mes souvenirs mais ils glissent entre les doigts de ma mémoire qui se refuse précieusement à me recracher ce qu'elle a secrètement emmagasiné, elle tente sûrement de me préserver, elle doit savoir que je m'emballe d'un rien, que je fonds pour un détail, alors elle choisit de me les cacher.

Je ne sais plus sur quelle image j'ai su qu'il allait fragiliser l'équilibre, réveiller la bête, déclencher ce truc que j'ai toujours eu ancré en moi, cette capacité à aimer sur le champ, entièrement, passionnément, à fusionner, cette envie de tempête dans mes entrailles, cette addiction à l'amour, à sa folie, à sa démesure, à sa douleur aussi.

Je ne sais plus quand mon cerveau a choisi de donner son consentement muet, quand il a rendu les armes, quand il a accepté la fatalité, je crois qu'il n'a pas vraiment lutté le bougre, la magie était trop forte, le philtre trop puissant, la soif trop grande pour refuser de s'abreuver, la coupe était là, offerte, tentante, pleine de bulles aux allures de promesses d'une passion infinie, comment résister ?

Je ne sais plus à quel moment je me suis avouée que c'était foutu, trop tard, trop fort, allé trop loin trop vite, cet instant où je n'ai plus eu d'autre alternative que de reconnaître ma faiblesse, ma chute, la piqûre de la morsure puis la brûlure du venin qui se diffuse insidieusement, dans chaque veine, dans chaque recoin, jusqu'à être partout sous ma peau sans possibilité d'extraction aucune.

Je ne sais plus sur lequel de ses sourires j'ai arrêté le temps, le mouvement, la progression, arrêté de vivre, respirer était devenu trop difficile, l'air se faisait rare, l'oxygène manquait, arrêté de penser, ça demandait trop d'énergie, je n'en avais plus nulle part, le venin avait tout remplacé, tout sapé, tout éradiqué ce qu'il y avait en moi de courage, j'étais un corps à l'arrêt.

Je ne sais plus par quelle absurdité m'est apparue l'absolue nécessité de l'attendre, de rester là à le vouloir et à l'attendre, de ne plus rien faire d'autre que ça, être ici coincée entre le désir qu'il me rejoigne et la peur, déjà, de le voir repartir, mais le désir plus fort que la peur, mais le rêve plus fort que la réalité, mais l'amour plus fort que les interdits, mais la passion plus intense que la douleur, mais l'espoir plus fort que la crainte d'être rejetée, je ne sais plus quel caprice du destin m'a poussée à n'être plus que celle qui l'attend, mais c'est elle que je suis désormais : celle qui l'attend.

© Isa – avril 2015

(Sa version à lui est )

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