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jeudi 8 janvier 2015

#JeSuisCharlie

Dieu que j’ai aimé la minute qui a immédiatement suivi mon réveil ce matin. Celle pendant laquelle je ne me souvenais pas. Celle pendant laquelle j’ai eu envie de râler parce qu’il est tôt. Celle pendant laquelle je n’étais que moi, devant accomplir tous les gestes quotidiens maintes fois répétés avant d’aller travailler. Celle pendant laquelle rien d’autre que ça n’existait.

Dieu que cette minute a été courte.

Elle a filé si vite qu’en un rien de temps tout est revenu. L’horreur, la barbarie. Les images que je n’aurais pas dû regarder. Les cris de ces hommes trahissant leur fierté. Le bras levé de cet autre, couché à terre, trahissant sa peur. Vaine supplication d’une merci qu’on ne lui aura pas accordée. Les larmes des proches, la voix tremblante de leur ami de toujours qui n’arrivait pas vraiment à parler mais qui a promis de ne plus jamais se taire.

Le beau m’est revenu aussi. Les bougies allumées tout autour du monde, les banderoles, les dessins, les lumières. Les rassemblements spontanés, citoyens, humains. Des milliers d’hommes et de femmes qui forment une chaîne tout autour de la France pour montrer que nous faisons bloc. L’écho de nos manifestations dans chaque grande ville du monde. Les messages de soutien venant de partout, dans toutes les langues. Nous sommes beaux quand nous sommes Charlie.

Et puis, comme si ces souvenirs ne suffisaient pas, il m’a fallu allumer la radio, vite. Entendre d’autres que moi en parler. Savoir que je ne suis pas la seule à y penser. Constater qu’aujourd’hui c’est encore un peu hier, qu’on est encore sous le choc, dans l’incompréhension, dans la révolte.

Voir aussi que les artistes du monde entier répondent avec leur art. Ils dessinent, ils écrivent, ils chantent. Parce qu’ils peuvent encore le faire, eux. Parce que ceux qui sont morts ont lutté pour la liberté d’expression, et qu’il nous faudra l’utiliser encore et encore, et plus fort encore, pour leur rendre hommage. Pour que ce ne soit pas vain…

Partout, des dessins de crayons plus forts que les armes. J’aime ce message d’espoir. J’aime que l’art s’exprime encore. C’est avec ça qu’on arrivera à avancer. Avec du beau.

Aujourd’hui je suis en deuil, je suis triste et blessée. La femme, la Française, la citoyenne du monde, l’humaniste, la croyante, l’artiste, toutes mes facettes ont été meurtries hier. Toutes mes facettes pleurent. Mais je resterai debout, forte et vivante pour prolonger leur existence, et je parlerai pour ne pas qu’on entende le silence criant de leur absence.

Aujourd’hui, moi aussi je suis Charlie.

© Charlie – 8 janvier 2015

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