Je sais que tu as peur. Je te devine tremblant et presque frigorifié. Je t'imagine hésitant, comme un peu égaré.
Je
voudrais tant pouvoir te rassurer. Te promettre que tout va bien se
passer. Te donner une vision claire de ce qui t'attend au bout du
chemin, et de tous les obstacles à surmonter pour espérer un jour y
arriver. Je voudrais te prévenir de chacun des dangers, te prédire que
tous tes rêves vont devenir réalité, que tous tes sacrifices en vaudront
la peine. Je voudrais te prendre la main pour t'aider à traverser, la
serrer fort dans la mienne quand tu auras envie de tout lâcher, la poser
sur mon cœur pour que tu saches que le tien n'est pas le seul à
s'emballer. Je voudrais mettre un peu de ma voix dans tes oreilles, pour
t'encourager avec fermeté parfois, pour te murmurer ma tendresse
souvent. Je voudrais coudre des ailes à la peau de ton dos, te regarder
t'envoler, inspirer fort pour t'aider à te rapprocher. Je voudrais te
coller un sourire aux lèvres, l'un de ceux qu'on ne peut pas retenir,
dont on ne peut contrôler l'intensité, l'un de ceux qui affichent sans
pudeur le courage et l'énergie qu'on s'apprête à déployer.
Je voudrais, tu vois.
Mais je ne le ferai pas.
Il
est des moments où c'est à toi seul de prendre tes décisions, de
trouver la force de les vivre et de les assumer. Il est des choix qui
n'appartiennent qu'à toi, que tu ne peux faire que seul, dans lesquels
je n'ai pas le droit d'interférer.
D'ailleurs, comment pourrais-je ?
Alors
que moi-même je suis de l'autre côté de cette route que tu vas
peut-être emprunter ? Alors que j'ai moi aussi à me demander si je vais,
si je veux, si je dois, te retrouver au milieu de cette longue ligne
qui nous sépare encore ? Alors que je dois gérer mes propres craintes,
le trouble qui m'envahit, le mélange subtil entre attrait de l'inconnu
et peur du vide à l'arrivée ? Alors que mes jambes ne me portent plus,
que mes ailes à moi peinent à sortir de mon corps, que mon ventre me
brûle d'un désir irraisonné ?
Comment
pourrais-je te porter sans peur de te faire tomber alors que je ne
maîtrise plus la moiteur de mes mains, alors que mes doigts tremblent,
alors que mes bras se font guimauves ?
Et
au nom de quelle mystérieuse et hypothétique conjoncture céleste à la
faveur de laquelle notre histoire connaîtrait un dénouement heureux,
aurais-je le droit de te supplier d'y croire, de te promettre
l'incertain, de te jurer que chacune des chutes comme chacun des pièges
sera un jour balayée par la force de nos deux êtres enfin réunis ?
D'où
me viendrait cette certitude inébranlable, si ce n'est d'un rêve encore
flou que nos deux énergies sont faites pour être mélangées, si ce n'est
d'un désir encore trouble de continuer le reste du chemin à tes côtés ?
L'amour
commence toujours par la peur de le laisser arriver. Toujours par une
paralysie qu'on aura choisi de surmonter. Toujours par un doute que
chacun des deux protagonistes aura décidé d'ignorer.
Je suis de l'autre côté, tu sais.
Je
suis là à ne pas savoir si au bout, tu t'apprêtes à te mettre en marche
pour me retrouver ou si tu es déjà en train de reculer.
Moi, j'ai déjà commencé à avancer.
© Isa – août 2014
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