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samedi 14 décembre 2013

...au carrefour...

Encore un matin vaporeux. Encore une nuit trop courte après une journée trop intense. Encore un corps fatigué de ne pas assez se reposer, blasé d'être parfois malmené. Encore la même histoire qui se répète invariablement. La boucle est là et tu t'es enfermée dedans, rien ne change.

Un jour tu seras une adulte raisonnable. D'un côté t'attends ce jour-là comme on attend le nouveau Messie, parce qu'il signifiera que tu acceptes de grandir, de maturer, de vieillir. De l'autre tu le redoutes comme le loup blanc, t'as tellement pas envie d'arrêter de vibrer comme seuls le font les adolescents.

Tu sais bien que c'est inéluctable. Que ça se fera, avec ou sans ton consentement. Ton corps finira par lâcher, peut-être même un peu avant l'heure, au vu de certains excès que tu lui imposes. Il te dira stop et t'auras pas bien le choix. Ta putain d'horloge biologique aussi. Là maintenant tu ne l'entends pas, mais tu sais - tu l'as lu dans des magazines - qu'elle a accéléré le rythme un peu déjà. A un moment son tic-tac sera si assourdissant que tu seras obligée de céder à la pression énorme des hormones en fusion. Tu feras quoi à ce moment-là, hein ? Et dans ta tête il va se passer un truc. L'envie du calme de la routine, des projets qui se construisent sur fond de crédit immo, des voitures qui deviennent plus grandes pour y caser la descendance, le troc de cet appartement contre le pavillon de banlieue avec un jardin et un chien dedans. Les gens aussi, vont te faire changer. Ils vont arrêter de regarder ta vie avec l’œil bienveillant qui semble vouloir dire "elle est jeune, ça lui passera". D'ailleurs t'as l'impression qu'ils n'en sont déjà plus tout à fait là. Ils commencent à se poser des questions plutôt, et puis comme ils ont pas les réponses ils viennent t'emmerder pour les avoir. Pour l'instant t'arrives pas trop mal à te défiler, mais à chaque fois ça te travaille un peu plus que la fois d'avant. La guerre des nerfs, ça marche bien sur toi. Ils t'auront à l'usure, quoi. Et puis y a le moule de la vie tu sais. C'est le même pour tout le monde. Certains prennent des chemins de traverse mais tous arrivent au même endroit à la fin. Naître, grandir, vieillir, mourir. Tu n'y couperas pas. T'as un peu poussé déjà, pas bien droit, fortement de traviole même, on peut le dire, et là t'attaques la phase "vieillir" du processus. Je le sais bien, que t'aimes pas ça, que ça te fait flipper, que tu penses pas être prête, mais que veux-tu ma grande, c'est ça ou crever hein. Y a pas vraiment d'autre choix. Je te vois venir, tu te dis que t'as le temps, que pour l'instant t'es dans ta boucle et que t'échappes au mouvement continu et linéaire du temps, que t'es encore en dehors de ça. Détrompe toi. T'as beau être bloquée dans ta bubulle d'adolescente à peine pubère, tu ne la sens pas bouger parce qu'elle va bien trop vite mais elle dévale la pente du temps qui passe tu sais. Avec toi dedans qui vieillis pareil.

Ton corps, tes hormones, ta tête, les gens, la vie. Tout ça te pousse vers l'adulte raisonnable que fatalement tu deviendras. D'ici là, t'as deux choix.

Soit continuer comme maintenant, garder tout ça dans un coin de ta tête, en procrastinant fortement sur ce qu'il y aurait à faire avant d'en arriver là. En te nourrissant comme aujourd'hui des trucs qui te remuent les intestins, qui te font te lever le matin. En vivant des obstacles que tu surmontes les uns après les autres, des rencontres que tu fais & qui comptent, des petites victoires du quotidien. En continuant à écrire pour faire entendre ta petite voix intérieure, pour faire passer ton message.

Soit arrêter le YOLO staïle, penser activement à qui tu veux devenir, en te mettant tout de suite à ta table de travail pour préparer l'avenir. En te nourrissant des projets qu'une femme de ton âge doit faire, en y pensant en te couchant le soir. En vivant des étapes nécessaires à l'accomplissement de demain, des personnes qui vont y contribuer & qui comptent, des grandes questions du quotidien. En arrêtant d'écrire tout ce que tu sais être vraiment, pour commencer à décliner celle qu'on attend que tu sois.

Choisis, maintenant. Demain arrive à grands pas.

© Isa - décembre 2013

4 commentaires:

  1. Peut être ne pas basculer totalement dans la deuxième option.?

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    1. Elle a du mal avec les nuances, les demi-teintes, la dame. Plutôt du genre à côtoyer les extrêmes.

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  2. Le passage de témoin est diffile. On veut y aller, et on veut pas, on avance parfois à grands pas et on fait marche arrière puis un jour, comme ça, on se dit que c'est pas possible qu'on soit de l'autre côté...ça s'est fait tout seul? J'ai jamais eu la réponse.

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    1. Ça se fera peut-être naturellement comme ça pour moi aussi, qui sait ? C'est le moins douloureux je pense.

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